HERCYNIENS MASSIFS ou MASSIFS VARISQUES
Un massif hercynien privilégié : l'Ardenne
Bien connue, grâce à la coupe transversale de la Meuse, à l'exploration du bassin houiller franco-belge, aux profils de sismique-réflexion et aux forages profonds, l'Ardenne est, à divers égards, un massif hercynien privilégié, du moins aux yeux des géologues et géographes de langue française. La stratigraphie du Dévonien et du Carbonifère y a été étudiée dans les moindres détails, ainsi que celle du Cambro-Silurien des massifs de Rocroi-Stavelot, du Condroz, du Brabant, etc. ; ce Cambro-Silurien a subi l'orogenèse calédonienne et joue le rôle d'un étage structural inférieur, recouvert en transgression par le Dévonien, modèle classique de tectonique superposée.
Les figures résument les grandes lignes de la structure de l'Ardenne. On doit rappeler la situation tout à fait externe de ce massif, au front de la chaîne hercynienne. Cette situation est reflétée par les faciès sédimentaires. Le Dévonien est réduit, et incomplet par la base, au nord de l'ancienne cicatrice ou flexure limite du Condroz ; passé cette limite (bassin de Dinant), il est brusquement complet mais encore avec des influences continentales. Il ne prend tout son développement, avec un Dévonien inférieur extrêmement puissant plus ou moins géosynclinal, que dans le synclinorium de Neufchâteau-Eifel. Vers la fin du Dévonien et surtout au Dinantien (calcaire carbonifère), l'Ardenne tend à basculer autour d'un axe transverse méridien avec déclenchement de vastes glissements sédimentaires sous-marins (brèches viséennes). Le Namurien et le Westphalien inférieur (et sans doute moyen) semblent avoir couvert uniformément, en concordance, tout le nord de l'Ardenne, le plissement débutant très progressivement et se développant peu à peu, du sud vers le nord, tandis que le Houiller productif continuait à se déposer dans l'actuel bassin houiller (dont les limites sont uniquement dues aujourd'hui à la tectonique ultérieure et à l'érosion).
On peut résumer schématiquement la tectonique comme suit :
– Une phase, progressive et continue, de plissement, débutant, comme on l'a déjà mentionné, sous la surcharge de toute la masse sédimentaire, fait naître des plis, tantôt amples (zone anticlinoriale Rocroi-Stavelot), tantôt plus serrés (bassins de Dinant et de Namur), plis déjetés souvent au nord et parfois au sud. Mais, dès ce moment, la zone suturale du Condroz est privilégiée : tout au long de son bord nord, il se forme, à ce qu'il semble partout (de Liège au Boulonnais), un ou plusieurs plis couchés souples d'amplitude plurikilométrique, à flanc inverse non étiré.
– L'érosion ayant déjà fortement affecté l'ensemble de la région, mais surtout l'Ardenne, les compressions tangentielles engendrent alors, dans le bassin houiller de Namur, des cisaillements quasi instantanés en forme de cuillères subhorizontales (« failles listriques » ou « failles de charriage »). Avec des déplacements vers le nord, d'échelle tantôt hectométrique, tantôt plurikilométrique, ces cisaillements plats sectionnent net les plis existants ; très localement, ils seront à leur tour plissés par la continuation ultime du plissement lent de l'autochtone sous-jacent (région de Liège, Ruhr). Cette remarquable tectonique tangentielle affectant le Houiller a été décrite d'abord en Belgique, notamment par P. Fourmarier (mais soupçonnée dès le début du xixe siècle), puis, depuis 1945, en France. Elle est probablement la conséquence de l'avancée globale de l'Ardenne sur le bassin de Namur, selon la surface de charriage cisaillant supérieure et principale, dite faille eifélienne, du Condroz ou du Midi. Le resserrement total pourrait dépasser 35 kilomètres : fenêtre de Theux, mesures sur les coupes sériées du bassin houiller. Les tentatives que[...]
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Écrit par
- François ELLENBERGER : professeur émérite à l'université de Paris-Sud
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