HÉRÉDITÉ
De tous temps, les hommes se sont sentis concernés par l'hérédité. Elle recèlerait leur nature profonde, à travers les caractères innés que leur ont transmis leurs parents. Elle conditionne aussi la part d'eux-mêmes qu'ils transmettent physiquement à leurs enfants. Car l'hérédité est d'abord une histoire de lignée et de procréation. Chacun sait qu'il faut un homme et une femme – à tout le moins leurs cellules sexuelles – pour faire un enfant et que ce dernier, conçu de la rencontre de deux gamètes, cellules sexuelles masculine (spermatozoïde) et féminine (ovule), reçoit de ceux-ci deux parts d'héritage équivalentes, sauf en ce qui concerne le sexe. Celui-ci est déterminé par le chromosome sexuel (Y pour un garçon, X pour une fille) contenu dans le spermatozoïde.
Jusqu'à présent, le contenu génétique des deux gamètes résultant de la fécondation de l'ovule par le spermatozoïde échappait complètement aux vœux des êtres qui procréent. Mais la révolution technologique survenue au cours de la seconde moitié du xxe siècle, à partir de la découverte en 1953 de la structure de la molécule d'acide désoxyribonucléique (ADN), a profondément changé la donne. Les techniques de génie génétique ont rendu l'ADN accessible. C'est un filament macromoléculaire, long de 1 mètre environ, contenu dans le noyau de chaque cellule humaine. Il est porteur de la quasi-totalité de l'hérédité parentale. Au cours de la seconde moitié du xxe siècle, il a été exploré. La plupart des gènes portés par nos 23 paires de chromosomes ont été peu à peu localisés, puis clonés, c'est-à-dire isolés et multipliés. Ces gènes sont donc les déterminants héréditaires que présageait Darwin lorsqu'il imaginait l'évolution des espèces.
Leur structure normale et pathologique a été étudiée, permettant ainsi de connaître l'origine de nombreuses maladies génétiques. Cette cartographie des gènes a été suivie par l'énorme travail de reconstitution de la séquence complète des 8 milliards de paires de bases nucléotidiques de ce mètre d'ADN (cf. génomique). Ce séquençage étant quasi achevé au début du xxie siècle, nous sommes entrés dans l'ère postgénomique.
Dès lors, l'hérédité se trouve intégrée dans le champ de la génétique humaine. Après avoir été une inéluctable affaire de famille, elle est maintenant offerte au contrôle des techniques de génétique moléculaire. Celles-ci sont même capables de revisiter l'histoire. Ainsi, elles ont pu confirmer que les ossements retrouvés dans une fosse commune de la forêt d'Ekaterinbourg (Oural) étaient bien ceux du tsar Nicolas II et de la famille impériale de Russie. Dans l'avenir, elles permettront à l'homme d'agir sur son hérédité. Mais il se trouvera, de ce fait, confronté à de graves choix éthiques (cf. procréation).
La question de l'hérédité
L'émergence du concept moderne d'hérédité a été un phénomène culturel majeur : une notion formée notamment dans le domaine du droit – et, secondairement, de la médecine – est devenue l'un des concepts centraux de la biologie.
L'évolution du concept
Formes savantes issues du latin heres, heredis (« héritier »), les termes hérédité et héréditaire ont d'abord en français une acception juridique. Ils expriment l'un et l'autre la notion d'héritage par succession et sont d'usage en ce sens dans la société d'Ancien Régime marquée par des privilèges de naissance, l'hérédité de la monarchie et celle des titres et des charges. Dès le xvie siècle, on voit cependant apparaître un usage collatéral de l'adjectif par les médecins dans l'expression « maladies héréditaires ». À la fin du xviiie siècle, le terme hérédité[...]
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Écrit par
- Charles BABINET : directeur de recherche au C.N.R.S.
- Luisa DANDOLO : docteur ès sciences, chercheur au C.N.R.S., responsable de l'équipe Empreinte parentale
- Jean GAYON : professeur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
- Simone GILGENKRANTZ : professeur émérite de génétique humaine, C.H.U. de Nancy
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