HÉRÉDITÉ
L'empreinte parentale
La parthénogenèse impossible
Dans la nature, un certain nombre d'espèces, tant animales que végétales, se reproduisent par parthénogenèse, c'est-à-dire à partir du gamète femelle, sans aucune participation du gamète mâle. Chez les mammifères, la parthénogenèse naturelle n'a jamais été décrite et les tentatives de parthénogenèse expérimentale se sont toutes soldées par des échecs : si l'on obtient assez aisément un début de développement de l'œuf vierge, l'embryon parthénogénétique meurt précocement et, en aucun cas, ne se développe à terme. La raison de cet échec est liée à un phénomène découvert au début des années 1980 que les auteurs anglo-saxons nomment genomic imprinting et que nous appellerons « empreinte génomique parentale » : chez la souris et chez tous les mammifères, les génomes mâle et femelle assemblés dans l'œuf fécondé, bien qu'ils contiennent la même information génétique, sont marqués d'un sceau différent ou empreinte, apposé durant la gamétogenèse. Il en résulte une différence fonctionnelle des deux génomes parentaux qui rend leur présence conjointe absolument nécessaire au développement de l'embryon à terme.
Démonstration expérimentale du phénomène
La reconstruction d'œufs avec un contenu génomique uniparental montre la nécessaire complémentarité des génomes paternel et maternel.
La mise au point par l'équipe de D. Solter aux États-Unis d'une technique élégante de transfert nucléaire a permis d'éprouver ces deux hypothèses. Cette technique permet à volonté d'échanger les noyaux d'œufs fécondés qui contiennent un noyau mâle haploïde (issu du spermatozoïde) et un noyau femelle haploïde (provenant de l'ovocyte). Des œufs reconstitués comportant deux noyaux mâles (appelés androgénotes) ou comportant deux noyaux femelles (gynogénotes) ne permettent jamais le développement complet de l'embryon. Seul l'œuf contenant un noyau mâle et un noyau femelle donnera naissance à une souris.
Rôle des génomes paternel et maternel dans le développement
Une fois établie la nécessité de la présence d'un génome d'origine mâle et d'un génome d'origine femelle pour le développement normal de l'embryon, il convenait de préciser leurs rôles respectifs. L'examen des capacités de développement des embryons uniparentaux a permis de faire une observation saisissante : les conceptus dotés d'un génome d'origine uniquement maternelle présentent un développement à peu près normal de l'embryon, alors que les annexes embryonnaires sont à l'état rudimentaire. La situation inverse est observée pour des conceptus dotés d'un génome d'origine uniquement paternelle (embryon rudimentaire, annexes développées). Ces observations suggèrent un rôle en partie symétrique des génomes mâle et femelle, le génome maternel (ou certaines de ses parties) étant indispensable au développement de l'embryon, tandis que le génome paternel (ou certaines de ses parties) est indispensable au développement des annexes embryonnaires.
Identification de régions chromosomiques non équivalentes
Des études purement génétiques ont également permis de montrer la complémentarité des génomes paternel et maternel. Il est possible, en croisant des lignées de souris porteuses de certains remaniements chromosomiques, d'obtenir des embryons qui ont un assortiment diploïde complet de chromosomes, mais chez lesquels tout ou partie d'une paire de chromosomes provient d'un seul des deux parents (unidisomie parentale d'un chromosome). On obtient alors un résultat remarquable : si, pour certaines paires de chromosomes, l'origine uniparentale est sans conséquence, pour d'autres chromosomes, au contraire, elle peut être létale : c'est le cas, par exemple,[...]
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Écrit par
- Charles BABINET : directeur de recherche au C.N.R.S.
- Luisa DANDOLO : docteur ès sciences, chercheur au C.N.R.S., responsable de l'équipe Empreinte parentale
- Jean GAYON : professeur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
- Simone GILGENKRANTZ : professeur émérite de génétique humaine, C.H.U. de Nancy
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