HERGÉ GEORGES REMI dit (1907-1983)
Du général de Gaulle, qui selon André Malraux, dans Les Chênes qu'on abat, déclara : « Mon seul rival international, c'est Tintin ! », au philosophe Michel Serres, qui écrivit : « J'ai plus appris en théorie de la communication dans Les Bijoux de la Castafioreque dans cent livres théoriques mortels d'ennui et stériles de résultats », les témoignages abondent sur la place exceptionnelle que l'œuvre d'Hergé a occupée dans l'imaginaire collectif de la seconde moitié du xxe siècle. Aucune autre bande dessinée au monde n'a été aussi commentée, n'a fait l'objet d'autant d'ouvrages – un phénomène éditorial seulement comparable, dans le domaine de l'histoire culturelle contemporaine, à la masse de livres sur les Beatles publiés dans les pays anglo-saxons.
Une parution hebdomadaire
Le créateur qui influença le plus la bande dessinée francophone, le Belge Georges Remi, dit Hergé, est né le 22 mai 1907 à Bruxelles. Ses premiers dessins sont publiés dès 1922, et c'est en 1924 qu'il adopte son pseudonyme, formé à partir de ses initiales inversées (R.G.). Très engagé dans le scoutisme, il publie de 1926 à 1929, dans le mensuel Le Boy-Scout belge, Les Extraordinaires Aventures de Totor, chef de patrouille des Hannetons, récit naïf, avec le texte placé sous l'image, sur les tribulations en Amérique d'un jeune chef scout qui préfigure Tintin.
En 1928, le quotidien bruxellois Le XXe Siècle demande à Hergé de créer un supplément hebdomadaire pour la jeunesse. Dans ce journal catholique, très marqué à droite (où Hergé se lie un moment avec un reporter, le futur chef fasciste Léon Degrelle), Hergé lance Le Petit Vingtième, et y dessine à partir du 10 janvier 1929 une histoire – avec, cette fois, le texte dans des bulles –, Tintin au pays des Soviets. Avec les aventures satiriques du jeune journaliste Tintin et de son chien Milou dans la Russie stalinienne, Hergé vient de créer, à son insu, la bande dessinée qui deviendra le grand classique européen du genre.
En 1930, au terme de ce premier épisode, la direction du journal demande à Hergé d'envoyer son reporter fictif au Congo belge, afin d'y exalter l'œuvre des missionnaires : c'est Tintin au Congo (1930-1931), récit souvent jugé raciste par la suite, mais que personne alors ne perçut comme tel. Après la satire du communisme, Hergé se moque dans Tintin en Amérique (1931-1932) du capitalisme, autre contre-modèle de l'extrême droite chrétienne. Puis il s'éloigne de l'esprit burlesque de ces trois épisodes initiaux dans Les Cigares du pharaon (1932-1934), marqué par l'irruption du fantastique et la création de la paire de détectives stupides, Dupond et Dupont, et surtout dans Le Lotus Bleu (1934-1935), sa première œuvre maîtresse, défense et illustration de la Chine, brutalement occupée par le Japon. Après les aventures sud-américaines de L'Oreille cassée (1935-1937) et écossaises de L'Île Noire (1937-1938), Hergé revient à une veine plus politique dans Le Sceptre d'Ottokar (1938-1939), inspiré par l'annexion de l'Autriche par Hitler (le dictateur s'appelle Müsstler, contraction de Mussolini et Hitler).
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Écrit par
- Dominique PETITFAUX : historien de la bande dessinée
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