GÖRING HERMANN (1893-1946)
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Considéré comme le deuxième homme du régime national-socialiste après Adolf Hitler, Hermann Göring était à la tête de l’aviation du IIIe Reich et contrôlait une grande partie de l’économie allemande et des pans importants de la police.
Hermann Göring est né le 12 janvier 1893 à Rosenheim, en Bavière. Son père était le commissaire colonial de la Namibie allemande. Il grandit en Allemagne et fréquente les écoles militaires prestigieuses de Karlsruhe et Gross-Lichterfelde, près de Berlin. Au moment où éclate la Première Guerre mondiale, il est incorporé comme officier dans l’infanterie mais, très rapidement, il se tourne vers une arme nouvelle : l’aviation. Il devient pilote de chasse, un « as » dans le sillage du « Baron rouge », Manfred von Richthofen. Il finit la guerre à un grade élevé (capitaine) et titulaire de la plus haute distinction militaire de l’Empire allemand, l’ordre « Pour le mérite ».
Après la défaite de l’Allemagne, Göring se retrouve sans activité et sans le sou, animé par une haine absolue du nouveau régime républicain et du traité de Versailles qui a détruit son armée chérie. Il commence alors une carrière dans l’aviation civile, notamment dans les pays scandinaves (Danemark, puis Suède), où il tisse des liens avec l’aristocratie, et rencontre celle qui va devenir sa femme, Carin von Fock-Kantzow. Dès cette époque, les traits qui le caractériseront se font jour : vantardise, excès divers, grande intelligence. Toujours animé par un esprit de revanche, il rentre en Allemagne en 1921, à Munich, où il fréquente l’université. Rapidement il entre au Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei (NSDAP, Parti national-socialiste des travailleurs allemands), au service de Hitler, qui est trop heureux de débaucher un véritable héros de la Première Guerre mondiale. Celui-ci le nomme en décembre 1922 à la tête des sections d’assaut (Sturmabteilung, ou SA). Göring met aussi au service du parti son entregent, son réseau de connaissances haut placées, un monde totalement étranger aux fondateurs du parti nazi.
Hermann Göring participe à toutes les actions des débuts du parti nazi, y compris le putsch dit de la Brasserie des 8et 9 novembre 1923 à Munich : il y est blessé gravement par des balles de la police, et s’enfuit vers l’Autriche, puis l’Italie. S’ensuivent quatre ans d’exil en Suède avec sa femme, des années qui ont tout d’une traversée du désert. Pour soulager la douleur, Göring consomme de la morphine, et devient dépendant. Son addiction transforme son physique : sa silhouette sera souvent moquée comme celle d’un homme obèse et adipeux.
Il rentre en Allemagne en novembre 1927 et réintègre le parti nazi. Comme Joseph Goebbels, il est élu député aux législatives de 1928. Il utilise son expérience dans l’aéronautique et au sein du parti pour renforcer ses liens avec l’aristocratie et les grands patrons, notamment celui de la Lufthansa, Erhard Milch. Ses succès suivent ceux du parti de Hitler : en août 1932, il est élu président du Reichstag (le Parlement). Le 30 janvier 1933, il est l’un des deux seuls nazis du gouvernement du chancelier Hitler, où il cumule les fonctions de ministre sans portefeuille, ministre de l’Intérieur pour la Prusse – un poste clé pour la répression politique – et commissaire à l’Aviation.
C’est depuis ces positions qu’il commence son ascension au cœur de l’État national-socialiste. Il construit un appareil policier extrêmement répressif, en coordonnant notamment la destruction des opposants politiques après l’incendie du Reichstag du 27 février 1933, puis en créant la Gestapo la même année. Derrière une apparence publique joviale et une ironie dont ne dispose pas Hitler, Göring est en réalité un calculateur froid et cynique : il déclare ainsi, pour pousser la répression contre les « rouges » (communistes et socialistes) que « chaque balle qui sortira d’un pistolet de la police est ma balle », pour mieux souligner le soutien extralégal inconditionnel qu’il apporte à ses hommes. Il consolide son pouvoir sur l’aviation dès avril 1933, lorsqu’il est nommé par Hitler à la tête d’un ministère nouvellement dédié mais, surtout, après avoir été mis en difficulté par la montée en puissance de Heinrich Himmler sur les questions policières. Göring construit également son empire économique, en devenant responsable du plan de quatre ans (pour le réarmement de l’Allemagne) en 1936. Il y dirige l’effort de la guerre à venir et organise l’autarcie des ressources allemandes, tout en menant un train de vie opulent.
Göring donne en effet libre cours à sa folie des grandeurs, qui fait de lui un objet d’amusement et de crainte dans le Reich. Très inséré dans la haute société, accumulant les uniformes et les médailles, il multiplie les fêtes et les parties de chasse – pratique aristocratique par excellence – et collectionne aussi bien les œuvres d’art que les bâtons de maréchal. Après la Nuit de cristal de novembre 1938, il organise la spoliation massive des biens juifs au service de l’économie allemande. Il est nommé au grade suprême de l’armée, la Wehrmacht, Reichsmarschall, en 1940.
La position de Göring durant la Seconde Guerre mondiale est ambiguë : d’un côté, son importance augmente beaucoup dans le domaine économique, dans la mesure où ses réseaux d’influence assimilent les industries les plus florissantes des économies des pays occupés (dans lesquels ils se chargent de voler les œuvres d’art) ; de l’autre, l’échec de l’armée de l’air, la Luftwaffe, lors de la bataille d’Angleterre et son incapacité à protéger la population allemande le fait tomber en disgrâce auprès de Hitler. Alors que celui-ci l’avait désigné officiellement comme son successeur en juin 1941, il est démis de ses fonctions à la fin d’avril 1945. Le 7 mai, il se rend aux forces américaines. Lors du procès de Nuremberg (1945-1946), il fait partie des accusés les plus bruyants et les plus voyants, défendant bec et ongles le bien fondé du IIIe Reich, dénonçant une justice de vainqueurs et ne montrant aucun remords. Une image bien différente de celle que certains décrivent, celle d’un Göring opportuniste et réaliste, qui n’aurait adhéré que de loin à la vision nationale-socialiste. Au contraire, Göring, tout au long de sa vie, qu’il interrompt le 15 octobre 1946 en avalant une capsule de cyanure pour échapper à l’humiliation de la pendaison, n’aura eu de cesse de mettre sa vie au service de Hitler.
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Écrit par
- Nicolas PATIN : maître de conférences en histoire contemporaine à l'université Bordeaux-Montaigne, membre junior de l'Institut universitaire de France
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