SUDERMANN HERMANN (1857-1928)
Un des auteurs dramatiques les plus représentatifs du règne de Guillaume II, né dans le territoire de Memel, Hermann Sudermann abandonne un apprentissage en pharmacie pour faire des études d'histoire et de philosophie à Königsberg. Après un échec comme acteur, il gagne sa vie dans l'enseignement privé et rédige des articles de journaux. Soudain, à quarante-deux ans, c'est la célébrité. Sa pièce L'Honneur (Die Ehre, 1890) est jouée dans le monde entier ; la gloire de Sudermann se répand jusqu'au Japon. Au cours de la décennie suivante, il compte parmi les auteurs les plus représentés. La critique, enthousiaste, le désigne même comme « le véritable héritier du jeune Schiller ». Ce succès est d'autant plus étonnant que, un mois auparavant, le drame de Hauptmann Avant que le soleil se lève (Vor Sonnenaufgang) a provoqué un scandale. Il est vrai que la pièce de Sudermann répond en tous points aux goûts — peut-être inavoués — du public. Une jeune ouvrière entretient une liaison avec le fils d'un conseiller commercial. Cette disparité sociale va de pair avec une séparation des lieux : la famille Heinecke habite sur cour tandis que le jeune Mühlingk reçoit ses amis (représentants types de la bonne société : le sportif ridicule, l'officier de réserve, le jeune fainéant) dans l'appartement qui donne sur la rue. Le problème central, l'honneur, est examiné sous plusieurs aspects : le vieux conseiller tente de racheter celui de la jeune ouvrière grâce à une forte somme d'argent ; un ancien officier a été contraint de quitter l'armée pour dettes ; le frère de l'héroïne, enfin, incarne le principe de l'honneur dans toute sa rigidité. La critique sociale demeure inefficace parce que pathétique, donc peu convaincante ; les personnages sont trop souvent réduits à l'état de caricatures. L'emploi du dialecte berlinois par les ouvriers ne parvient pas même à faire une pièce naturaliste de ce drame bourgeois. Sa construction seule lui permet de passer la rampe.
Après la Fin de Sodome (Sodoms Ende, 1891) — description outrancière de travers mondains dans le quartier chic de Berlin —, Patrie (Heimat, 1893) connaît un immense succès. Sudermann a réussi là un tour de force : réunir en un seul drame la gamme complète des clichés de cette époque. La fille d'un officier, cantatrice mondialement célèbre, rentre chez son père après douze ans d'absence. Celui-ci est prêt à lui pardonner sa vie libertine. Mais l'héroïne, dont on a pu goûter l'opiniâtre sottise pendant deux actes et demi, se met alors à défendre sa licence passée, la nécessité du péché et le droit à la maternité en dehors des liens conjugaux. Désespéré, son père veut la tuer. Au moment de lever son revolver, cependant, il succombe à une crise cardiaque. D'autres pièces, visant moins haut, touchent davantage. On peut citer La Bataille des papillons (Die Schmetterlingsschlacht) et Un bonheur modeste (Das Glück im Winkel, 1893), titres qui en résument le contenu.
Chassé de la scène par les critiques acides de Kerr, célèbre critique de son temps, qui le qualifie de menteur, d'auteur lascif, d'adepte du trompe-l'œil, Sudermann se tourne vers la nouvelle : il écrit les Récits Lituaniens (Litauische Geschichten, 1917) qu'on peut encore lire. Dans une langue simple mais riche en puissance associative, il évoque la vie difficile des pêcheurs et des paysans dont la Baltique menace les navires et les champs. Dans le Voyage à Tilsit (Die Reise nach Tilsit), un pêcheur, séduit par sa servante, emmène sa jeune femme à la ville avec l'intention de la noyer au retour. Au cours de la journée qu'ils passent ensemble, le pêcheur change d'avis, et l'innocence de sa femme le pousse aux aveux. Réconciliés, les époux s'endorment dans leur barque. Lorsque celle-ci chavire,[...]
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Écrit par
- Lore de CHAMBURE : professeur à l'École allemande de Paris
Classification
Autres références
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SYMBOLISME - Littérature
- Écrit par Pierre CITTI
- 11 859 mots
- 4 médias
...Destin des Prométhides (1885) ? Au fond excellent lecteur de Zola, Hauptmann met en œuvre un réalisme parfaitement symbolique. On peut en dire autant de Hermann Sudermann (1857-1928), qui passa du drame réaliste et social (L'Honneur, 1889) à un drame sur saint Jean-Baptiste (1898), ou de Max Halbe,...