ZAPF HERMANN (1918-2015)
Le typographe allemand Hermann Zapf a joué un rôle de premier plan dans la révolution qui a vu l’écriture imprimée passer, au cours de la seconde moitié du xxe siècle, des caractères en plomb hérités de Gutenberg au codage numérique propre à l’ère informatique. Son apport de technicien a bénéficié de sa profonde connaissance du dessin de lettre et d’une sensibilité d’artiste restée vive jusque dans son grand âge.
Né à Nuremberg en 1918, Hermann Zapf grandit sous la république de Weimar et rêve de devenir ingénieur lorsque l’instauration du régime nazi met son père au chômage pour cause d’activités syndicales, privant du même coup l’adolescent de toute possibilité d’accès à des études longues. Doué pour le dessin, il commence un apprentissage dans l’atelier de retouche d’une imprimerie de Nuremberg. C’est alors que la visite d’une exposition consacrée à l’œuvre du calligraphe et typographe Rudolf Koch révèle au jeune homme sa vocation : il entreprend de se former, par ses propres moyens et grâce aux livres, au dessin de lettre, et acquiert progressivement une impressionnante maîtrise de la calligraphie. Tout au long de sa carrière, sa capacité à tracer à main levée d’étourdissants alphabets tout en courbes et volutes, aussi bien que de produire à la plume des lignes de minuscules caractères qu’on jurerait imprimés tant ils sont réguliers, fera l’admiration de ses pairs. Ayant quitté Nuremberg pour Francfort au terme de son apprentissage, il entre comme dessinateur à la prestigieuse fonderie de caractères Stempel en 1938.
Sa santé fragile et son talent graphique lui valent de passer les années de guerre dans des conditions relativement privilégiées, notamment à Bordeaux dans un service cartographique de la Wehrmacht. Il y poursuit ses travaux personnels autour de la calligraphie et du dessin de lettre. Dans l’Allemagne de l’après-guerre, il renoue avec l’entreprise Stempel, où il devient, en 1947, directeur artistique de l’atelier d’imprimerie intégré à la fonderie. Il y publie son premier livre, FederundStichel (« Plume et burin », 1950), où il met en forme ses travaux bordelais et utilise pour la première fois un caractère qu’il vient de créer, le Palatino. Cette fonte d’inspiration classique se révélera idéalement faite pour mettre en valeur la littérature, comme le montre par exemple l’utilisation par l’éditeur Fischer d’une variante de ce caractère pour la grande édition des GesammelteWerke (« Œuvres réunies ») de Thomas Mann en douze volumes (1960).
L’intérêt de Hermann Zapf pour les nouvelles technologies (photocomposition et mise en page assistée par ordinateur) rencontre d’abord peu d’écho dans son propre pays, et c’est aux États-Unis, où il fera de nombreux séjours sans jamais s’y installer complètement, que se développe sa carrière dans ce domaine. Cette période américaine le voit enseigner le dessin de lettre, créer de nombreux caractères (par exemple pour l’éditeur de cartes Hallmark) et collaborer avec des entreprises innovantes dans le domaine des arts graphiques. Il devient, à près de soixante ans, professeur de typographie pour l’informatique au Rochester Institute of Technology (1977-1987) et il collabore au programme Metafont de gestion de polices vectorielles, pour lequel il crée la fonte Euler, dédiée à l’écriture des mathématiques. L’inclusion de polices comme Palatino et des vignettes connues sous le nom de Zapf Dingbatsdans l’équipement de base des premiers ordinateurs personnels fait connaître son nom au grand public.
Ce typographe très prolifique (il a dessiné plus de soixante polices, dont Aldus, Optima, ou Zapfino sont parmi les plus connues) est l’auteur de plusieurs livres sur son art, parmi lesquels le ManualeTypographicum (1954, plusieurs fois réédité) est devenu un classique recherché par les bibliophiles. [...]
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Écrit par
- Louis LECOMTE : responsable éditorial
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Média
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TYPOGRAPHIE
- Écrit par Michel WLASSIKOFF
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Hermann Zapf (1918-2015) publie à son tour un « romain ancien », le Palatino (1950), puis, installé à New York, l'Optima (1958), romain sans empattement dont les graphistes font un large emploi depuis lors.