HERMÉTISME
La littérature hermétique
Clément d'Alexandrie assure que les prêtres égyptiens transportaient dans leurs processions 42 livres d'Hermès dont 36 contenaient toute leur philosophie (sur les lois, les dieux, l'éducation des prêtres, les formes du culte, l'histoire, la géographie, les hiéroglyphes, l'astrologie, l'astronomie, les prescriptions religieuses) et dont 6 concernaient la médecine (Stromates, VI, 4). Jamblique affirme qu'Hermès écrivit 20 000 livres selon Séleucus et 36 525 selon Manéthon (De mysteriis, VIII, 1). En fait, rien ne prouve que les prêtres de l'Égypte pharaonique aient possédé des traités attribués à Thot. En revanche, une littérature hermétique grecque, qui utilisait certaines des croyances et des formes d'expression égyptiennes, et qui s'est peut-être élaborée dans le voisinage des temples, a certainement existé dès l'époque ptolémaïque. Elle se composa sans doute d'abord des traités d'astrologie, auxquels vinrent s'ajouter, par la suite, des ouvrages d'alchimie, de magie et de philosophie mystique, souvent très tardifs. La littérature hermétique se présente donc comme un ensemble assez composite, voire hétérogène, de traités différant par leur contenu, leur auteur et la date de leur rédaction. On peut cependant en dégager certains grands traits caractéristiques, mis en évidence par le père André-J. Festugière. Le principal est l'absence de séparation entre science et religion : la connaissance ne peut être obtenue que par une révélation accordée par un dieu ou un prophète « théopneuste ». Elle sera donc le fruit d'exercices de piété et d'ascèse plutôt que d'une réflexion rationnelle. Elle se présente comme une gnose fondamentalement opposée à la science de type aristotélicien. Tandis que celle-ci s'affirme désintéressée, celle-là vise toujours une fin pratique, fût-ce le salut de l'homme. L'une recherche l'universel à travers l'abstraction du concept, l'autre le singulier concret et, dans ce singulier, ce qui paraît le plus singulier, le mirabile. Enfin, au lieu de concevoir que le Cosmos est un en tant qu'il est un ordre et un système de lois, l'hermétisme saisit le monde comme un Tout dont l'unité repose sur les relations de sympathie et d'antipathie liant entre eux tous les êtres qui le composent. Les traités hermétiques empruntent, en outre, certaines formes littéraires marquant la révélation de la connaissance (vision en songe ou en extase, découverte d'un écrit caché dans un temple ou un tombeau) ou bien sa transmission (testament, lettre, dialogue). Tous ces traits cependant ne sont pas propres aux seuls ouvrages portant le nom d'Hermès : ils se retrouvent dans maints autres traités de sciences occultes portant, eux aussi, des noms de personnages fabuleux ou prestigieux. De manière générale, l'astrologie d'Hermès n'est pas foncièrement différente de celle de Pétosiris ou de Manéthon, son alchimie de celle d'Ostanes, sa botanique de celle de Salomon ou d'Alexandre, sa magie de celle de Zoroastre ou d'Apollonios.
On classe généralement les textes hermétiques en deux groupes : d'une part, les traités philosophico-théosophiques ; d'autre part, les textes « populaires », selon l'appellation de Zielinski, portant sur les sciences occultes. Mais cette division traduit surtout nos catégories modernes et notre rejet des « fausses sciences ». Elle est incompatible avec l'interpénétration de la science et de la théosophie, caractéristique de la gnose hermétique : on rencontre des références aux sciences occultes dans les traités philosophiques (c'est, par exemple, à une opération alchimique que renvoie la création des âmes dans la Koré Kosmou), tout comme des éléments[...]
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Écrit par
- Sylvain MATTON : docteur en philosophie, attaché de recherche au C.N.R.S.
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