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HERSCHEL, mission

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Grâce à la mission d'astronomie spatiale Herschel (initialement nommée Far InfraRed and Submillimetre Telescope, ou First), la dernière fenêtre du spectre électromagnétique encore quasi vierge s'ouvre à nous. Avec son miroir primaire – le plus grand jamais construit pour l'astronomie spatiale (3,5 m de diamètre au lieu de 60 à 80 cm) – refroidi passivement, équipé d'instruments couvrant la totalité du domaine des ondes submillimétriques et de l'infrarouge lointain, de 55 à 671 micromètres (μm) de longueur d'onde – domaine en grande partie totalement inexploré jusqu'au lancement du satellite –, et ses capacités d'analyse spectrale très élevées entre 157 et 625 μm, cet engin spatial a en effet été conçu d'emblée comme un observatoire totalement différent des autres satellites d'observation dans l'infrarouge. Herschel est destiné à explorer l'Univers « froid », en grande partie inaccessible depuis le sol, et qui est principalement celui du milieu interstellaire, royaume de la formation des étoiles et des systèmes planétaires.

Le satellite et sa charge utile

Télescope spatial Herschel - crédits : ESA

Télescope spatial Herschel

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Le satellite Herschel tire son nom du physicien William Herschel, qui découvrit en 1800 les « rayons calorifiques » (le terme infrarouge n'apparaîtra qu'à la fin du xixe siècle). Il a été placé sur orbite par un lanceur Ariane-5 le 14 mai 2009, en même temps que le satellite Planck d'étude du rayonnement fossile cosmologique. Comme pour Planck, le maître d'œuvre est l'Agence spatiale européenne (E.S.A.) et le maître d'ouvrage Thales Alenia Space, avec la participation d'Astrium pour la charge utile. Astrium a en particulier réalisé le grand miroir primaire en carbure de silicium, qui constitue une première mondiale. Le télescope est le plus grand qui puisse entrer dans la coiffe d'Ariane-5 en un seul tenant. Le satellite est équipé d'un immense vase Dewar contenant initialement 2 367 litres d'hélium, quantité suffisante pour lui permettre de demeurer opérationnel environ 3,5 ans au point de Lagrange L2, éloigné de 1,5 million de kilomètres de la Terre, dans la direction opposée au Soleil. La température du télescope, qui est refroidi passivement, descend à 85 K une fois en orbite. La masse totale du satellite au lancement était de 3,4 tonnes.

La charge utile de Herschel est composée de trois instruments : deux caméras bolométriques couvrant les domaines de longueurs d'onde λ s'étendant entre 55 et 210 μm (P.A.C.S. : Photodetector Array Camera and Spectrometer) et entre 194 et 671 μm (Spire : Spectral and Photometric Imaging Receiver), avec des capacités spectroscopiques moyennes (pouvoir résolvant λ / Δλ de l'ordre de 1 000) ; un récepteur hétérodyne monopixel (H.I.F.I. : Heterodyne Instrument for the Far Infrared) couvrant de 157 à 625 μm avec une résolution spectrale élevée (λ / Δλ entre un et dix millions).

P.A.C.S.

La caméra de P.A.C.S. couvre l'infrarouge lointain, découpé en trois sous-bandes, centrées à 70, 100 et 160 μm. Ces trois « caméras » sont virtuelles, car il n'y a en fait que deux matrices de bolomètres, une de 2 048 pixels pour les deux premières bandes, qui se matérialisent par l'ajout d'un filtre correspondant à l'une ou l'autre des deux, et une matrice de 512 pixels pour la dernière. Leur champ de vue est de 1,75 sur 3,5 minutes de degré. La taille des pixels sur le ciel est, selon la caméra, de 3,2 ou de 6,4 secondes de degré. Le spectromètre de P.A.C.S. est un imageur précédé d'un réseau de diffraction échelette, qui a une résolution moyenne (λ / Δλ de l'ordre de 1 000 à 4 000). Le spectro-imageur comporte 25 pixels couvrant 47 sur 47 secondes de degré.

Spire

Spire est constitué d'une caméra submillimétrique et d'un spectromètre de basse résolution. La caméra est composée de trois ensembles de pixels centrés à 250, 350 et 500 μm en bande large (λ / Δλ égal à 3) travaillant simultanément et couvrant un champ de vue de 4 sur 8 minutes de degré. Le spectromètre (du type à transformée de Fourier) a également des capacités d'imagerie et couvre un champ circulaire de 2,6 minutes de degré. Sa résolution spectrale λ / Δλ ne dépasse pas 1 300 aux plus courtes longueurs d'onde et n'est que de 370 aux plus grandes. Les bolomètres sont refroidis à 0,3 K. Ce refroidissement est effectué à partir d'un étage à 2 K environ auquel succède un réfrigérateur à hélium-3 (3He) qui permet d'atteindre cette valeur extrêmement basse, gage d'une grande sensibilité, car l'émission thermique de l'instrument lui-même, à laquelle les bolomètres sont naturellement sensibles, devient extrêmement faible. Ces réfrigérateurs, très ingénieux, fonctionnent sans aucune pièce mobile et en circuit fermé sur un principe classique : l'évaporation d'un liquide provoque son refroidissement si aucune source de chaleur externe n'est apportée pour provoquer cette évaporation. En faisant passer l'hélium-3 de la phase liquide à la phase gazeuse, on passe ainsi de 2 K à 0,3 K. On retrouve les mêmes réfrigérateurs (conçus par le C.E.A. au service des basses températures) dans P.A.C.S. Ils tiennent deux jours avant que tout l'hélium-3 soit évaporé et que le système ait besoin d'être recyclé (en reliquéfiant l'hélium-3).On notera que le record en la matière pour des instruments spatiaux reste au crédit des réfrigérateurs du satellite Planck, qui atteignaient la température record de 0,1 K, mais sur la base d'un autre principe (dilution de 3He dans 4He).

H.I.F.I.

H.I.F.I. comporte sept canaux couvrant les fréquences de 480 à 1 250 gigahertz (soit de 625 à 240 μm) et de 1 410 à 1 910 gigahertz (de 213 à 157 μm). Ces récepteurs fonctionnent sur le principe de la réception hétérodyne. Il existe en effet deux méthodes pour détecter des photons : directe et hétérodyne. Dans la méthode directe, le récepteur est sensible à l'énergie du photon et la convertit en tension électrique proportionnelle à cette énergie. C'est le cas des caméras C.C.D. et des bolomètres de P.A.C.S. et de Spire. Aucun traitement ultérieur n'est possible ; l'analyse spectrale doit se faire en amont (par interposition de filtres, à l'aide de spectromètres optiques...). La détection hétérodyne est à la base de tous les systèmes de transmission analogique par ondes radio sur Terre. Le signal est alors mélangé à une onde de référence produite au sein du récepteur par l'oscillateur local et envoyé sur un élément non linéaire (par exemple, une diode), le mélangeur. La non-linéarité de cet élément provoque des battements entre les deux signaux à la fréquence égale à la différence des deux fréquences d'origine. Ce signal à fréquence intermédiaire garde l'information de la phase et de l'amplitude du signal entrant, ce qui permet de poursuivre son traitement par l'électronique (amplification, filtrage et analyse) avant qu'il ne soit détecté. En choisissant une fréquence de l'oscillateur local assez proche de celle du signal recherché, on obtient un signal à fréquence intermédiaire, à basse fréquence (en l'occurrence, quelques gigahertz), qui peut alors être amplifié énormément (gain d'amplification typiquement de 1010, c'est-à-dire 10 milliards) pour pouvoir l'envoyer sur un analyseur spectral électronique (banc de filtres, spectromètre numérique...) dont la résolution peut atteindre des valeurs très élevées. La seule limite est alors liée à la stabilité en fréquence du signal de référence – sa pureté –, qui doit être au moins dix fois meilleure que la plus haute résolution recherchée. Pour H.I.F.I., la pureté du signal doit être de l'ordre de 10—8. Les technologies de verrouillage en phase des sources de l'oscillateur local atteignent facilement ces performances. Deux types de spectromètre sont utilisables en parallèle ; des spectromètres acoustico-optiques à large bande (4 GHz par canal), de faible résolution (de l'ordre de 1,1 MHz, fixe), et des autocorrélateurs à bandes plus étroites et plus variables (leur résolution peut varier de 125 kHz à 1 MHz). Chaque canal comporte deux mélangeurs qui regardent la même direction dans le ciel, chacun sensible à une seule polarisation linéaire. Leurs signaux peuvent être additionnés pour gagner un facteur 1,4 (racine carrée de 2) en rapport signal sur bruit. Un seul canal est activable à la fois. La résolution spatiale, limitée par la diffraction du miroir primaire, varie de 48 secondes de degré à 500 gigahertz à 13 secondes de degré à 1 900 gigahertz, conduisant à des résolutions comparables à celles des grands radiotélescopes au sol travaillant dans les domaines millimétrique et submillimétrique.

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Écrit par

  • : astrophysicien, directeur de recherche au C.N.R.S., directeur adjoint du laboratoire d'étude du rayonnement et de la matière en astrophysique

Classification

Médias

Télescope spatial Herschel - crédits : ESA

Télescope spatial Herschel

Nébuleuse de la Rosette - crédits : HOBYS Key Programme Consortia/ PACS&SPIRE Consortium/ ESA

Nébuleuse de la Rosette

Nébuleuse IC 5146 - crédits : ESA

Nébuleuse IC 5146

Autres références

  • PLANCK, mission

    • Écrit par , et
    • 3 647 mots
    • 7 médias
    En observant de l'infrarouge au domaine millimétrique,la mission Planck et la mission conjointe Herschel de l'ESA vont permettre d'accomplir des progrès majeurs dans la compréhension de nos origines, qu'il s'agisse des systèmes planétaires, des étoiles, des galaxies ou de l'Univers...

Voir aussi