HERSCHEL sir WILLIAM (1738-1822)
Herschel et la « Construction des Cieux »
Dans l'Antiquité, et jusqu'au xviie siècle, le système solaire marque les limites de la connaissance astronomique ; la cosmologie reste totalement en marge du monde stellaire, les étoiles ne servant que de toile de fond aux phénomènes réellement intéressants. Le mot même de cosmologie n'apparaît qu'en 1731, dans la Cosmologia generalis de l'Allemand Christian Wolff (1679-1754) ; celui-ci s'efforce d'aborder les questions sur la nature physique de l'Univers en se dégageant au maximum du mythe et de la religion. Mais il faut attendre la publication en 1750 de An Original Theory or New Hypothesis of The Universe de Thomas Wright (1711-1786) pour voir envisagée une première interprétation dynamique de la Voie lactée ainsi que la possibilité d'un univers renfermant plusieurs systèmes analogues à la Voie lactée, les Univers îles. Ces recherches sont développées dans les Lettres cosmologiques éditées en 1761 par Jean Henri Lambert (1728-1777) : les étoiles sont réparties entre deux plans rapprochés, et le Soleil se situe dans une région proche du centre de l'immense système stellaire ; Lambert soupçonne que l'Univers est parsemé de Voies lactées analogues à la nôtre. Emmanuel Kant (1724-1804) publie en 1755 dans Allgemeine Naturgeschichte und Theorie des Himmels (Histoire universelle de la nature et théorie du ciel) une explication plus complète : la Voie lactée est constituée d'une « disposition systématique d'étoiles autour d'un plan fondamental » ; il la désigne par le terme générique de monde des mondes. Pour Kant, la matière de l'Univers est constituée de masses discrètes en rotation, chaque masse pouvant être constituée de masses plus petites, également en rotation, et ainsi de suite jusqu'aux étoiles et aux planètes. Ainsi un grand nombre de Voies lactées peuvent coexister dans le cosmos, celui-ci constituant un système d'ordre supérieur.
Les éventuels univers-îles de Wright et Kant – des systèmes stellaires comparables à la Voie lactée – sont, au sens de Herschel, les nébulosités qu'il observe au télescope. Cependant, la structure de ces objets pose quelques problèmes, car s'il s'agit effectivement d'amas ou de condensations d'étoiles, les plus proches doivent pouvoir être résolues en étoiles individuelles grâce au télescope, les plus distantes demeurant sous forme de taches floues, non résolues. Aussi ne peut-on pas imaginer que tous ces systèmes font partie de notre Galaxie : une structure qui est à la fois trop distante pour être résolue en étoiles et spatialement étendue doit avoir des dimensions considérables ; en d'autres termes, considérer que ces systèmes sont formés d'un immense conglomérat stellaire revient à admettre que ces univers-îles ou galaxies existent bien au-delà de la Voie lactée. Comme Herschel perçoit des nébuleuses rassemblées dans certaines constellations comme Coma (Chevelure de Bérénice) ou Hercule, il suppose que les galaxies de ces régions peuvent faire partie d'une structure d'ordre supérieur, à laquelle il convient d'associer la Voie lactée : l'existence du Superamas local est ainsi soulevée pour la première fois sans doute dans l'histoire de l'astronomie. Le nombre total de nébuleuses, d'amas stellaires, d'« univers lointains » et de nébuleuses diffuses découverts ou catalogués par William Herschel s'élève à 2 451. Par la suite, son fils John (1792-1871) en recensera 1 475 pendant ses campagnes d'observations en Afrique australe.
William Herschel observe au télescope un Univers harmonieux et ordonné. La cosmologie – la « Construction des Cieux », selon ses termes (« Construction of the Heavens ») – qu'il élabore est une véritable histoire[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Dominique PROUST : ingénieur de recherche au CNRS, astrophysicien à l'Observatoire de Meudon
Classification
Média
Autres références
-
DÉCOUVERTE D'URANUS
- Écrit par James LEQUEUX
- 300 mots
- 1 média
Musicien professionnel – il est violoniste, organiste et compositeur – et astronome amateur, William Herschel est d'origine allemande : il naît Friedrich Wilhelm Herschel le 15 novembre 1738 à Hanovre mais s'établit en Angleterre en 1756 (il sera naturalisé anglais le 30 avril 1793). Herschel...
-
ANDROMÈDE GALAXIE D'
- Écrit par Bernard PIRE
- 1 140 mots
- 1 média
La galaxie d’Andromède, dont le nom scientifique est M31 (M désigne le catalogue établi en 1764 par l’astronome français Charles Messier), est la galaxie la plus proche de notre propre galaxie, la Voie lactée. Avec la Voie lactée, la galaxie du Triangle (M33) et une trentaine de galaxies...
-
ASTRONOMIE
- Écrit par James LEQUEUX
- 11 339 mots
- 20 médias
...voir, et a fortiori y pénétrer. Pourtant on observe de plus en plus ces objets « curieux » que sont les comètes, les nébuleuses, les étoiles doubles, etc. William Herschel (1738-1822), grâce à ses télescopes avec lesquels il découvre Uranus en 1781, est certainement le meilleur et le plus perspicace des... -
ÉTOILES
- Écrit par André BOISCHOT et Jean-Pierre CHIÈZE
- 13 456 mots
- 8 médias
La majorité des astres visibles dans le ciel sont des étoiles. Elles sont souvent groupées en associations et amas de quelques centaines de milliers d'étoiles, ceux-ci se groupant à leur tour en unités beaucoup plus grandes, les galaxies. Une galaxie typique contient de 10 milliards à 100...
-
GALAXIE LA ou VOIE LACTÉE
- Écrit par James LEQUEUX
- 6 019 mots
- 4 médias
La première découverte importante de la statistique stellaire, due à William Herschel en 1783, a été celle du mouvement du Soleil par rapport aux étoiles proches. Si l'on étudie la distribution des vitesses de ces étoiles, on s'aperçoit que la résultante n'est pas nulle : il existe un mouvement d'ensemble... - Afficher les 8 références