HÊTRAIES
Influences biotiques sur les hêtraies
Exploitation forestière
De croissance plus rapide que le chêne, le hêtre fournit un bois relativement dur, mais facile à travailler et utilisable pour de très nombreux usages, le dernier en date étant celui de la pâte à papier. Traité en futaie, car il rejette pas mal de souche en de nombreuses régions, le hêtre exige pour sa régénération par semis un ensoleillement atténué (essence d'ombre) et cela d'autant plus que le climat est plus sec. L'exploitation de la hêtraie âgée (120 à 150 ans en moyenne) se fait donc, non par coupe totale (à blanc), mais en conservant une certaine proportion de vieux arbres, dits semenciers, car ils fournissent les faînes d'où naîtra la prochaine futaie. Après cette coupe d'ensemencement, et tandis que les jeunes hêtres forment un fourré de quelques années, l'exploitation se poursuit, généralement en plusieurs fois, jusqu'à la coupe définitive (parfois vingt ans après la première coupe). Simultanément, les fourrés sont soumis à des dégagements qui éliminent les sujets médiocres ou abîmés, et transformés en gaulis (maximum : 10 cm de diamètre et 20 ans d'âge). De nouvelles coupes, dites de nettoiement et donnant déjà des produits utilisables, espacent la jeune forêt de façon à assurer aux arbres la croissance optimale : ainsi le gaulis devient perchis (maximum : 30 cm de diamètre, 60 ans) puis jeune futaie (jusqu'à 120 ans) et enfin vieille futaie, exploitable.
Appliqué à des parcelles entières, ce mode de traitement aboutit à une futaie équienne, qui, malgré son aspect esthétique, est en fait une monoculture, ce qui peut avoir des inconvénients sérieux, notamment sur le plan phytosanitaire. La régénération naturelle par microparcelles conduit à la futaie jardinée par bouquets, mieux équilibrée du point de vue démographique et plus satisfaisante du point de vue biologique.
Les premières coupes font apparaître ou s'étendre des espèces herbacées souvent caractéristiques (Atropa, Melica) et parfois des arbustes (Cornus) qui peuvent dangereusement concurrencer les semis de hêtres. L'art, difficile, du forestier consiste à régler l'importance de la coupe en fonction de ce danger, lui-même variable selon les conditions écologiques.
Régression et renaissance
En de vastes régions comprises dans le domaine de la hêtraie, celle-ci a disparu, ou subsiste sous forme de lambeaux, entre lesquels s'étendent des prairies, parfois de maigres friches où la pierre perce de toutes parts, à la suite de la ruine du sol due au déboisement et aggravée par le surpâturage : c'est le cas des montagnes méditerranéennes. Les indices d'un retour possible à la hêtraie peuvent être déduits, soit de la toponymie (Faye, Faou, Fage, etc., termes dérivés de Fagus), soit de la présence de certaines espèces herbacées de la hêtraie, réfugiées dans les fissures rocheuses (ainsi dans les lapiaz du plateau de Caussols près de Grasse) ou présentes dans les prairies : ficaires, anémones, colchiques, par exemple, sont les premiers témoins d'une renaissance de l'Asperulo-Fagion.
La mise en défens (ou l'abandon des actions biotiques) provoque la reprise de l'évolution progressive de la végétation, selon une succession toujours semblable, bien que faisant appel à des espèces et groupements végétaux très divers.
À ces causes anthropozoogènes de régression de la hêtraie il convient d'ajouter l'extension inquiétante, dans toute l'Europe occidentale, de la maladie de dépérissement, due à l'action conjuguée d'une Cochenille (Cryptococcus fagi) et d'un Champignon (Nectria coccinea), dont les dégâts ont été particulièrement remarqués en France, dans les hêtraies équiennes de Normandie. Les effets de circonstances climatiques défavorables sont généralement invoqués pour[...]
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Écrit par
- Marcel BOURNÉRIAS : docteur ès sciences, professeur agrégé en sciences naturelles
Classification
Médias
Autres références
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FORÊTS - La forêt, un milieu naturel riche et diversifié
- Écrit par Yves BASTIEN et Marcel BOURNÉRIAS
- 8 183 mots
- 16 médias
...ceux-ci ne tardent pas à devenir envahissants (si les autres conditions écologiques leur conviennent), ce qui assombrit encore le sous-bois ; peu à peu, la hêtraie remplace la chênaie, et, dans les réserves de Fontainebleau, par exemple, on voit souvent, au sein de la futaie de hêtres, de très vieux chênes...