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HIÉRARCHIE

L'observation des inégalités et des hiérarchies

Dans les dernières décennies, la théorie des processus de hiérarchisation a été développée par les différentes sciences sociales parallèlement à l'observation empirique plutôt qu'en liaison étroite avec elle.

Sur ce chapitre, il faut d'abord mentionner les études descriptives innombrables qui se sont attachées soit à déterminer la manière dont les hiérarchies sociales sont perçues et ressenties (Warner, Goldthorpe), soit à mesurer l'évolution des inégalités sociales.

Éducation et inégalités

L'aspect qui a sans doute le plus retenu l'attention des chercheurs est celui de la relation entre certaines institutions, notamment les institutions scolaires, et les processus de hiérarchisation. Plus rarement, on s'est interrogé sur le rôle d'autres institutions, par exemple les institutions politiques ou syndicales. Pourtant, il est évident que ces institutions jouent, parallèlement au système scolaire et au système professionnel, un rôle considérable dans la mobilité des individus. Une carrière peu prometteuse peut bifurquer vers des responsabilités politiques ou syndicales importantes. Malheureusement, on ne dispose pas aujourd'hui, dans un pays comme la France, d'une vue d'ensemble de l'effet des institutions sociales sur les processus de hiérarchisation et sur la mobilité des individus à travers les hiérarchies.

En France, depuis les travaux d'Alain Girard et de ses collaborateurs, le rôle des institutions scolaires est beaucoup mieux connu. Ces travaux permettent également de mieux comprendre l'interaction entre institutions familiales et scolaires dans la génération et le renouvellement des inégalités et hiérarchisations. Deux résultats méritent d'être cités à cet égard. En fonction de son rang social, la famille fournit à l'enfant un équipement cognitif et culturel qui lui permet de s'adapter plus ou moins facilement au milieu scolaire et d'acquérir plus ou moins rapidement les techniques que l'école exige de lui. D'un autre côté, tout se passe comme si les familles considéraient l'éducation comme un investissement. Les interventions successives des familles dans les processus d'orientation scolaire peuvent donc être assimilées à des décisions d'investissement. Mais ces décisions sont affectées par le rang social de la famille. On peut, à cet égard, introduire les hypothèses suivantes : en moyenne les coûts de l'éducation tendent à être perçus comme d'autant plus élevés que le rang social de la famille est plus bas ; les bénéfices tendent, pour leur part, à être perçus comme d'autant plus bas que le rang social de la famille est plus bas : un supplément d'éducation peut permettre à un élève de classe supérieure de ne pas déroger par rapport à sa famille d'origine ; le même supplément pourra être perçu par un élève de classe inférieure, ayant déjà atteint un certain niveau scolaire et ayant par conséquent une quasi-certitude de s'être élevé socialement par rapport à sa famille, comme un luxe trop coûteux. Ce double effet du rang social de la famille sur l'orientation scolaire est d'autant plus important qu'il joue de manière répétitive : la même logique et les mêmes différences réapparaissent à chaque étape de la carrière scolaire des adolescents. Cela explique que les efforts considérables faits dans la quasi-totalité des sociétés industrielles pour atténuer l'« inégalité des chances » scolaires n'aient pas eu des effets aussi grands que souhaité. Bien entendu, cette résistance de l'inégalité des chances scolaires a des conséquences sur la transmission du rang social d'une génération à la suivante.

Mobilité sociale

Sur ce dernier point, auquel on associe fréquemment[...]

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  • : membre de l'Académie des sciences morales et politiques, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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