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PUTNAM HILARY (1926-2016)

Né le 31 juillet 1926 à Chicago, professeur à Princeton, puis au M.I.T. de 1961 à 1965, et enfin à Harvard jusqu'à sa retraite, Hilary Putnam fut, entre les années 1970 et 1990, un protagoniste majeur des débats qui eurent lieu en philosophie des sciences, du langage, de la logique et de l'esprit.

Sa principale contribution en philosophie de l'esprit est l'invention du fonctionnalisme ; il a renouvelé de façon décisive la notion de référence (théorie « causale » de la référence en 1970), et s'est fait connaître pour son adhésion au réalisme, dans ses différentes versions successives, à l'externalisme (qui suppose qu'on ne saurait caractériser la pensée sans référence à un environnement) en philosophie de l'esprit, et pour sa remise en cause de la distinction entre fait et valeur. Lui-même héritier de l'empirisme logique (il fut l'élève de Rudolf Carnap et de Hans Reichenbach), il en a critiqué la conception trop restrictive de la rationalité, tout en soulignant que cette école n'avait pas l'apanage du scientisme : le relativisme culturel, cette fois, se montre tout aussi scientiste par anthropologisme. Dans Raison, vérité et histoire (1981) notamment, Putnam se refuse à concevoir la raison selon le paradigme de l'algorithme, tout en restant un rationaliste foncier : la raison conserve chez lui un rôle d'instance critique, capable de se critiquer elle-même ; en outre elle existe aussi sous forme de rationalité pratique et de savoir-faire non entièrement verbalisables.

Le fonctionnalisme en philosophie de l'esprit, fondé par Hilary Putnam en 1970, soutient qu'à un certain niveau d'abstraction, l'esprit humain exécutant des tâches computationnelles est fonctionnellement identifiable à une machine de Turing, et à la logique de calculabilité qu'elle permet de mettre en œuvre. Par la suite, le philosophe défendra une conception de plus en plus externaliste de l'esprit comme dépendant à un titre essentiel de son environnement, y compris social, et en faveur d'un contenu mental large contre les partisans quelque peu solipsistes d'un contenu mental isolable du contexte et du monde. Le souci qu'il a du facteur social apparaît aussi dans son idée de division sociale du travail linguistique et des stéréotypes langagiers, ainsi que dans sa théorie causale de la référence. Cette théorie nous prémunit contre le scepticisme de Quine en insistant sur le fait qu'il y a quelque chose permettant de dire à quoi les mots font référence, contre toute épistémologie incommensurabiliste. En philosophie du langage, Putnam fait notamment valoir l'indexicalité des termes de masse et des termes d'espèce naturelle.

Au début des années 1980, Hilary Putnam, œuvrant sur un autre terrain, s'en prend à la dichotomie, héritée de Max Weber, des faits et des valeurs, dont il soutient l'entrelacement, et ce à l'encontre d'une vision étroitement scientiste ou physicaliste de la science léguée par le positivisme logique du xixe siècle. La lecture de C. S. Peirce, sa théorie de la vérité comme limite de l'enquête, et la notion d'assertabilité garantie, empruntée à John Dewey, lui permettent de relire les pragmatistes : il se rapproche d'eux dans les années 1990 tout en les critiquant, ainsi que de Wittgenstein, toujours dans une optique rationaliste. Putnam traite causalité et référence comme des notions épistémiques qu'il est vain de chercher à réduire en termes physicalistes pour en éliminer rationalité et intentionnalité ; vérité et acceptabilité rationnelle sont des notions interdépendantes. Quant à la vérité, il tient dans Words and Life (1994) à lui conserver le statut de propriété substantielle, contre les théories formalistes et déflationnistes.

Le réalisme qui, depuis[...]

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Écrit par

  • : professeure à l'UFR de philosophie, université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

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