HĪNAYĀNA ou PETIT VÉHICULE
Les évolutions du bouddhisme
Au cours de leur développement, les écoles du Mahāyāna insisteront de plus en plus sur la sagesse et l'omniscience développées lors du plein Éveil, plutôt que sur la libération du samsāra, que vivent aussi les arhat, lors de l'« extinction définitive » (parinirvāna). Le nirvāna n'est plus alors conçu comme une réalité « autre », mais bien plutôt comme la vision juste du samsāra, ce qui permet au Bouddha d'y poursuivre son œuvre sans en être prisonnier. Cette vision juste est liée à l'enseignement de la vacuité universelle (́sunya) de tous les phénomènes. Le « petit véhicule » ne désigne plus tant un mode de cheminement jusqu'à la libération, qu'une sagesse moins développée, non omnisciente, qui incite l'arhat à sortir du samsāra plutôt qu'à y œuvrer au salut de tous les êtres. Elle stigmatisera aussi de cette manière une école du bouddhisme ancien, le Sarvāstivāda – principal contradicteur des écoles du Mahāyāna – qui soutenait la thèse de l'existence ultime des phénomènes. Le terme Hinayāna vise alors aussi un certain système philosophique.
En contexte chinois, surtout influencé par la littérature du Mahāyāna, le terme Hinayāna sera employé à double titre, pratique et philosophique : il fera référence au mode de vie du bhikshu et à l'enseignement des « Quatre Nobles Vérités », socle doctrinal des écoles du bouddhisme ancien, qu'étudient ceux qui visent l'état d'arhat. Par opposition, le Grand Véhicule s'adresse aux bodhisattva qui visent le plein Éveil et l'omniscience des Bouddhas parfaitement accomplis, grâce à l'enseignement de la vacuité (śūnyatā). Pour les écoles proprement chinoises, qui se développent surtout à partir du ve siècle de notre ère, ces deux « Véhicules » finiront par être exclusifs l'un de l'autre. Certaines en viendront à ne plus transmettre les préceptes monastiques ni même l'enseignement des Quatre Nobles Vérités, jugés « inférieurs » voire inutiles, au profit des seuls « vœux de bodhisattva » et de l'enseignement de la vacuité. Il n'existera pas, en Extrême-Orient, d'enseignement relevant strictement du Hinayāna.
En contexte indien, puis surtout tibétain, le développement du tantrisme bouddhique (Vajrayāna) infléchira encore la signification du terme, avec l'introduction d'un nouveau « Véhicule », celui des tantra (tantrayāna ou vajrayāna). Ces nouveaux textes présentent des pratiques liées à l'enseignement de la vacuité universelle et de la présence, en chaque être, d'une « nature de Bouddha » (tathāgatagarbha), doctrine développée par les écoles tardives du Mah—ay—ana. Elles institueront une hiérarchie entre les trois véhicules : le Hinayāna correspond à la pratique de la discipline et du renoncement, considérée comme un préliminaire au Mahāyāna, qui permet de développer sagesse et compassion, qui culminera lui-même dans la pratique du Tantrayāna. Chacun de ces yāna n'est plus considéré comme une voie complète, ni même comme l'exposé d'un système philosophique, mais comme les étapes successives d'une progression, doctrinale et pratique, chacune libérant le pratiquant d'un type d'illusion chaque fois plus subtile.
La littérature des tantra se développant elle-même, on en vint à envisager de six à neuf yāna successifs, en fonction des textes de référence. Ainsi la motivation, déterminante dans le choix qu'effectue chaque individu d'un véhicule particulier, est-elle envisagée désormais comme évoluant au fur et à mesure de la pratique de chaque véhicule : le pratiquant du Hinayāna, parvenu à l'état d'arhat, peut être ainsi « orienté » vers la pratique du bodhisattva, enseigné dans le Mahāyāna[...]
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Écrit par
- Dominique TROTIGNON : directeur de l'université bouddhique européenne, Paris
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