HINDOUISME
Le foisonnement des sectes
Si le courant hindouiste persiste depuis le début de l'ère chrétienne, le fait marquant de toute son histoire demeure l'apparition et le développement des mouvements sectaires. D'autre part, que ce soit à propos de la forme usuelle du culte ou des aspects particuliers revêtus par les sectes, des influences extérieures se sont exercées au cours du temps. Aux premiers siècles, les luttes avec le bouddhisme n'ont, il est vrai, guère joué que sur le plan de la spéculation, se bornant à des polémiques entre philosophes des deux religions. Finalement, d'ailleurs, le bouddhisme, gagné lui aussi par les tendances piétistes, lorsqu'il ne s'est pas réfugié dans les zones frontalières, s'est noyé dans l'hindouisme. En revanche, le heurt des invasions musulmanes a eu sur le brahmanisme de graves répercussions. Les envahisseurs, ne considérant d'abord que les apparences polythéistes de la religion indienne, ont déclenché de terribles persécutions dans le Nord, ravageant les lieux du culte, imposant de nombreuses conversions, non pas tant par la force brutale que par une contrainte organisée : on réservait aux musulmans les situations privilégiées ; quant aux impôts payés par les hindous, ils étaient excessivement lourds. Seuls l'éloignement et la naissance, au xive siècle, du royaume tampon de Vijayanagar ont préservé le Sud, qui devint ainsi le conservatoire le plus fidèle de l'hindouisme. Aussi est-ce de là que sont partis les grands mouvements religieux de l'Inde médiévale.
Il ne peut s'agir ici d'établir un répertoire exhaustif de la multiplicité des croyances ou des formes religieuses qui ont foisonné depuis le début de l'époque historique, c'est-à-dire depuis deux mille ans. Semblable variété n'a rien de surprenant si l'on réfléchit non seulement à la durée de cette période, mais aussi aux dimensions d'un pays dont l'étendue est égale à celle de l'Europe péninsulaire. On ne peut guère indiquer que les groupes les plus importants, dont beaucoup existent encore de nos jours. Quelle qu'en soit l'obédience – vishnouite ou shivaïte –, le processus d'apparition d'une secte se produit partout de façon analogue : sous l'impulsion d'un personnage connu pour sa sainteté et censé avoir reçu une révélation – ou, comme le Buddha, une illumination –, quelques disciples se groupent. Le maître leur transmet et leur explique cette révélation dont il a été le bénéficiaire. Les premiers adeptes en forment d'autres et les commentaires des textes sacrés, plus habituellement d'un texte particulier, donnent naissance à une nouvelle orthodoxie. Aux temps plus anciens, cette tradition restait orale ; beaucoup de gloses ont dû se perdre ainsi. L'influence s'étendait plus ou moins loin et durait plus ou moins longtemps.
Tantôt le maître demeure aux pieds de la divinité qu'il révère et dispense son enseignement dans le village ou ses alentours immédiats, tantôt il se met à pérégriner à travers l'Inde, visitant les sanctuaires les plus réputés de la divinité majeure à laquelle se rattache son iṣṭādevatā ; chemin faisant, il répand ses doctrines. Quelques-uns de ces maîtres passent, aussi vite oubliés que disparus. Il en est d'autres, en revanche, parmi ces mystiques itinérants qui demeurent célèbres ; leur enseignement, conservé par écrit, a survécu jusqu'à nos jours. Parfois, à l'exemple des bouddhistes et des jaïn, ces saints hommes ont fondé des monastères, coutume qu'ignorait le brahmanisme ancien.
Les sectes shivaïtes
Elles sont innombrables, mais beaucoup peuvent se regrouper sous certaines formes mieux définies. Deux grandes catégories sont particulièrement à retenir. C'est d'abord celle des pāśupata[...]
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Écrit par
- Anne-Marie ESNOUL : directeur d'études honoraire à l'École pratique des hautes études (Ve section)
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Médias
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