- 1. Les fondements de la danse hip-hop
- 2. Le paysage social de la danse hip-hop
- 3. Au milieu du cercle, le danseur
- 4. Le hip-hop dans la politique culturelle
- 5. La danse hip-hop hors de la France
- 6. Une danse contemporaine
- 7. Quelle place pour les femmes ?
- 8. Les battles, un rite moderne
- 9. Bibliographie
HIP-HOP (danse)
Une danse contemporaine
Les compagnies de danse hip-hop trouvent chacune leurs propres marques dans le mélange des genres. Parce qu’il reflète des histoires d'émigrations et de croisements, le hip-hop a aussi intégré les danses d'Afrique noire et du Maghreb, aussi bien que la capoeira. Loin d’être une juxtaposition de morceaux, il représente un véritable travail autour d'une histoire de vie. Il existe donc des chemins vers l'ailleurs, des formes africaines ou indiennes – de Fred Bendongué, pionnier du mouvement hip-hop dans la région lyonnaise, à Kader Attou, aujourd’hui directeur du Centre chorégraphique national de La Rochelle – mais aussi de l'attrait pour les nouvelles technologies et les objets, comme on le voit avec Franck II Louise ou Pierre Bolo. Ce dernier, avec sa compagnie Chute libre, joue dans ses dernières pièces, de La Cuisine de Pan(2010) à Drafters,les courants d’air(2013), avec des décalés, du burlesque et des effets scénographiques. Il s’empare du quotidien et s’éloigne en apparence des questionnements sociaux.
On retrouve aussi dans les danses hip-hop les influences des claquettes, de la salsa ou encore des danses russes, le lien essentiel restant celui de la tradition populaire, des improvisations et de la spontanéité. Farid Berki, un des plus anciens danseurs hip-hop, avec sa compagnie Melting Spot fondée en 1994, a exploré ces danses venues d’ailleurs. Avec le chef d’orchestre François-Xavier Roth, il a revisité les ballets de Stravinski : Petrouchka, Le Sacre du printemps et Scherzo. Depuis l’origine, le corps burlesque est lui aussi présent dans la sémantique hip-hop : corps décomposé et désarticulé, lenteur du mime, chutes imprévisibles. Sébastien Lefrançois se situe dans cette démarche avec sa compagnie Trafic de styles. Après Attention Travaux (2002), il s’amuse encore avec Obstacle (2011) à détourner les objets. D’autres représentations se veulent résolument spectaculaires pour exprimer la fulgurance du hip-hop. Mourad Merzouki – danseur chorégraphe de renommée internationale, directeur du Centre chorégraphique national de Créteil et du Val-de-Marne et à la tête de la compagnie Käfig – a deviné, à la manière d’un Philippe Decouflé ou d’autres grands noms de la danse contemporaine aux succès populaires non démentis, ce qu’était la mise en spectacle, la surprise et la fête avec le spectateur.
Les courants en danse hip-hop apparaissent désormais très diversifiés. Au-delà de l’expression dansée et de l’expérience artistique qui permet des gestes renouvelés, les créations s’appuient sur des textes, des poésies, le monde de la science-fiction, le divertissement ou encore la quête de l’origine et l’expression de soi. Certains danseurs ont aussi ressenti le besoin de prendre la parole. Bien sûr, dès les années 1990, passage sur scène oblige, les groupes ont éprouvé le besoin de dire leur monde. Mais le propos restait très narratif, entre comédie musicale et description stéréotypée de la banlieue. Le temps a passé. La quête s’est faite interrogation sur l’origine, les chemins de banlieue, sur le sens d’un monde-spectacle. Les créations hip-hop racontent parfois les histoires des minorités ou proposent un nouveau visage culturel français. À travers la parole et les textes, les chorégraphes affirment l’âge des rêves impossibles quand l’avenir se révélait bouché. Farid Ounchiouene, Brahim Bouchelaghem ou Hamid Ben Mahi ont exploré, chacun à sa manière, leur identité, à travers leur corps et leurs paroles, les musiques et les textes littéraires. Par une prise de parole affirmée et lancée, la danse hip-hop va alors signifier la vie d’ici et les différences qui ne sont pas seulement historiques ou culturelles. De Chronic(s) (2001) à Apache (2013, sur des chansons d’Alain Bashung), Hamid Ben Mahi, aguerri à toute la gestuelle codée,[...]
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Écrit par
- Claudine MOÏSE : professeure des Universités, sociolinguiste
Classification
Médias