HIPPOCRATE DE COS (460-env. 370 av. J.-C.)
Les médecins grecs de l'époque classique ont beaucoup écrit, comme le remarque Xénophon dans ses Mémorables. De cette littérature médicale, il subsiste une collection d'une soixantaine de traités médicaux attribués à Hippocrate. Bien qu'elle soit importante par son volume et par sa qualité, cette collection ne représente vraisemblablement qu'une faible partie de la littérature médicale de cette époque.
Il y a une question hippocratique, analogue à la question homérique, dans la mesure où il est difficile de déterminer dans cet ensemble complexe les traités qui sont de la main d'Hippocrate. Pourtant, à la différence d'Homère, Hippocrate n'est pas, au départ, un personnage légendaire. C'est un médecin grec qui fut célèbre dès son vivant et passait, déjà en son temps, pour le médecin par excellence. La fortune d'Hippocrate après sa mort fut exceptionnelle pendant plus de vingt siècles.
Hippocrate et les Asclépiades
Les témoignages les plus anciens sur Hippocrate sont ceux de son jeune contemporain, le philosophe Platon, qui le mentionne deux fois dans son œuvre (Protagoras, Phèdre). D'après le Protagoras, Hippocrate, originaire de Cos et issu de la famille des Asclépiades, était un médecin contemporain de Socrate et des sophistes, qui enseignait la médecine moyennant salaire ; à la fin du ve siècle, il était déjà aussi célèbre comme médecin que Polyclète d'Argos ou Phidias d'Athènes en tant que sculpteurs. Cette célébrité est confirmée par le témoignage d'Aristote qui, dans sa Politique, mentionne Hippocrate avec éloge (quoique incidemment) en le choisissant comme exemple-type du grand médecin. Les autres témoignages qui donnent des renseignements sur les origines, la vie et l'activité d'Hippocrate sont réputés moins dignes de foi. Il est vrai que les renseignements trouvés dans les deux Vies d'Hippocrate, de l'époque romaine, et dans les notices sur Hippocrate de l'époque byzantine peuvent renfermer, à côté de données fort précises (date de naissance d'Hippocrate d'après les archives de Cos), des données légendaires (Hippocrate aurait brûlé la bibliothèque de Cos ou celle de Cnide). Mais à l'intérieur même de la Collection hippocratique, si les Lettres sont apocryphes, un discours donne des renseignements fort précieux : c'est le Presbeutikos ou discours d'ambassade de Thessalos, fils d'Hippocrate, aux Athéniens lors d'un différend entre Athènes et Cos, postérieur à 413. Même si ce discours, qui énumère les services rendus par Hippocrate et sa famille à la Grèce et à Athènes n'est pas authentique, il contient indubitablement un matériel ancien, comme le prouve une convergence tout à fait étonnante avec une inscription des Asclépiades de Cos et de Cnide trouvée à Delphes.
De tous ces témoignages, on peut retenir comme certaines ou très probables les données suivantes. Hippocrate, né en 460 avant J.-C. dans l'île dorienne de Cos, appartenait par descendance mâle à la branche de Cos du genos des Asclépiades, qui prétendaient descendre à la fois d'Héraclès et d'Asclépios (l'autre branche était installée à Cnide, sur le promontoire de l'Asie Mineure qui fait face à Cos). C'était une famille aristocratique, jalouse de ses origines et des privilèges religieux qui y étaient attachés. Elle joua un rôle politique de tout premier plan à Cos au moins à certaines époques, par exemple lors de la seconde guerre médique ; elle était surtout détentrice d'un savoir médical. Hippocrate, que l'on se plaît à qualifier de « père de la médecine », appartenait à une longue lignée de médecins qui se transmettaient le savoir de père en fils. Un de ses ancêtres, Nébros, fut un médecin célèbre qui participa avec son fils Chrysos à la première guerre sacrée (600-590 av. J.-C.). Son grand-père, qui portait déjà ce nom, était[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jacques JOUANNA : professeur de grec à l'université de Paris-IV-Sorbonne
Classification
Média
Autres références
-
HIPPOCRATE DE COS, en bref
- Écrit par Didier LAVERGNE
- 145 mots
Père de la médecine occidentale, Hippocrate est né en — 460, dans l'île grecque de Cos. Il appartenait à une longue lignée de médecins remontant, selon la légende, à Asclépios (l'Esculape des Latins) et, par lui, au dieu Apollon. On connaît ses principes et son enseignement par les aphorismes dont...
-
ANTIQUITÉ - Naissance de la philosophie
- Écrit par Pierre AUBENQUE
- 11 137 mots
- 8 médias
...contemporaines, ni les progrès non moins spectaculaires de l'astronomie, ni même, quoique à un moindre degré, les premiers développements de l'école médicale dont Hippocrate avait été à Cos l'initiateur. Mais son trait de génie consiste à avoir unifié les deux préoccupations disjointes, naturaliste et humaniste,... -
CHIRURGIE
- Écrit par Claude d' ALLAINES , Jean-Édouard CLOTTEAU et Didier LAVERGNE
- 8 668 mots
- 5 médias
Mais en fait c'est Hippocrate, médecin grec vivant au ve siècle avant J.-C., qui débarrassa la médecine des multiples pratiques magiques et empiriques dont elle était presque exclusivement faite. On sait qu'Hippocrate est considéré comme le véritable créateur de la médecine, pour son esprit méthodique... -
CORPUS HIPPOCRATIQUE
- Écrit par François CHAST
- 276 mots
Le Corpus hippocratique accorde une place majeure au diagnostic des maladies et à leur explication étiologique. Il est moins disert sur les méthodes thérapeutiques. C'est davantage sur le régime et la diététique que sont fondés les traitements des maladies, ou mieux, leur prévention. Manger peu ou...
-
HUMEURS THÉORIE DES
- Écrit par Sophie SPITZ
- 929 mots
- 1 média
Élaborée peu à peu par Hippocrate (460 env.-env. 370 av. J.-C.) et les auteurs du Corpus Hippocraticum, puis par Galien (129-env. 201), la doctrine médicale de la théorie des humeurs a joué un rôle prépondérant dans l'histoire de la médecine jusqu'à la fin du xviiie siècle...
- Afficher les 9 références