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HIPPOCRATE DE COS (460-env. 370 av. J.-C.)

La question hippocratique

Sous le nom d'Hippocrate, la tradition nous a conservé une soixantaine d'écrits médicaux de langue ionienne que l'on peut lire dans la monumentale édition en dix volumes d'Émile Littré (texte grec avec traduction française), édition qui n'est pas encore totalement remplacée, en dépit des progrès de la philologie hippocratique depuis la fin du xixe siècle. Malgré une unité indéniable de ces écrits qui vient de ce que la médecine est rationnelle aussi bien dans l'étiologie des maladies que dans le pronostic et la thérapeutique, cette collection n'est pas homogène. Elle n'est pas l'œuvre d'un seul homme, ni même d'une seule école médicale, l'école de Cos. Elle n'est pas l'œuvre d'une seule époque, bien que la majorité des traités datent de la fin du ve siècle ou du début du ive siècle et soient antérieurs à Aristote. Elle réunit par ailleurs, à côté de traités parfaitement rédigés destinés à la publication soit pour le spécialiste, soit pour un plus large public, des notes ou des aide-mémoire destinés à un usage interne, ainsi que des compilations faites à partir d'autres traités conservés ou perdus. Le caractère disparate de cette Collection est encore accru par les hasards de la transmission du texte depuis sa formation à partir de la période hellénistique jusqu'aux manuscrits médiévaux qui servent de base à l'édition moderne. Des ouvrages qui forment un tout ont été séparés en des traités qui portent des titres distincts (par exemple ÉpidémiesI et III ou Génération, Nature de l'Enfant, Maladies IV) ; inversement, un même traité est la réunion de deux ouvrages distincts (MaladiesII).

Depuis la période hellénistique et romaine jusqu'à l'époque actuelle, l'une des questions qui a préoccupé la critique hippocratique a été de déterminer les ouvrages qui étaient de la main d'Hippocrate. Cette question a été d'autant plus vivement débattue que les témoignages sont rares et parfois ambigus. Le plus ancien est celui de Platon dans le Phèdre ; mais ce que dit Platon de la méthode (« on ne peut pas connaître la nature de l'homme sans connaître la nature du tout ») est interprété différemment par les érudits (le « tout » désigne-t-il l'univers ou le « tout » de l'objet considéré ?) ; suivant les interprétations, on s'oriente soit vers une médecine philosophique (Régime) ou météorologique (Airs, eaux, lieux), soit vers une médecine reposant sur une connaissance de la nature humaine (Ancienne Médecine ou Nature de l'homme). La publication à la fin du xixe siècle d'un papyrus médical du iie siècle après J.-C., l'Anonyme de Londres, qui contient, à l'intérieur d'une doxographie sur les médecins grecs, un résumé de la doctrine d'Hippocrate sur les causes des maladies d'après Aristote, fit rebondir la question hippocratique. Cette doctrine est que les vents produits par les résidus de la nourriture sont la cause fondamentale des maladies. Mais ce résumé doxographique, outre qu'il réinterprète sa source hippocratique avec des concepts aristotéliciens, renvoie, selon les uns, à un traité mineur, le traité des Vents (qui ramène toutes les maladies à une cause unique, l'air), et selon les autres à un ouvrage perdu. Moins connues, mais plus importantes, sont trois critiques adressées à Hippocrate par des médecins contemporains ou postérieurs d'une génération ou deux. Le médecin Ctésias, fils et petit-fils de médecin, appartenant à la branche de Cnide du genos des Asclépiades, parent et contemporain d'Hippocrate quoique plus jeune que lui, fut le premier à le critiquer pour avoir conseillé un procédé de réduction de la luxation de la cuisse en dedans, car il le juge inutile, la luxation[...]

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Écrit par

  • : professeur de grec à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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Média

Hippocrate - Cos - crédits : Rabatti - Domingie/ AKG-images

Hippocrate - Cos

Autres références

  • HIPPOCRATE DE COS, en bref

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    • 145 mots

    Père de la médecine occidentale, Hippocrate est né en — 460, dans l'île grecque de Cos. Il appartenait à une longue lignée de médecins remontant, selon la légende, à Asclépios (l'Esculape des Latins) et, par lui, au dieu Apollon. On connaît ses principes et son enseignement par les aphorismes dont...

  • ANTIQUITÉ - Naissance de la philosophie

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    • 11 137 mots
    • 8 médias
    ...contemporaines, ni les progrès non moins spectaculaires de l'astronomie, ni même, quoique à un moindre degré, les premiers développements de l'école médicale dont Hippocrate avait été à Cos l'initiateur. Mais son trait de génie consiste à avoir unifié les deux préoccupations disjointes, naturaliste et humaniste,...
  • CHIRURGIE

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    Mais en fait c'est Hippocrate, médecin grec vivant au ve siècle avant J.-C., qui débarrassa la médecine des multiples pratiques magiques et empiriques dont elle était presque exclusivement faite. On sait qu'Hippocrate est considéré comme le véritable créateur de la médecine, pour son esprit méthodique...
  • CORPUS HIPPOCRATIQUE

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    • 276 mots

    Le Corpus hippocratique accorde une place majeure au diagnostic des maladies et à leur explication étiologique. Il est moins disert sur les méthodes thérapeutiques. C'est davantage sur le régime et la diététique que sont fondés les traitements des maladies, ou mieux, leur prévention. Manger peu ou...

  • HUMEURS THÉORIE DES

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    • 929 mots
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    Élaborée peu à peu par Hippocrate (460 env.-env. 370 av. J.-C.) et les auteurs du Corpus Hippocraticum, puis par Galien (129-env. 201), la doctrine médicale de la théorie des humeurs a joué un rôle prépondérant dans l'histoire de la médecine jusqu'à la fin du xviiie siècle...

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