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HIPPOCRATE DE COS (460-env. 370 av. J.-C.)

La pensée hippocratique

L'une des caractéristiques de la pensée hippocratique est le souci de l'observation. Tout ce qu'il est possible de percevoir par les sens est consigné avec minutie, car le moindre détail peut avoir la valeur d'un signe ; le pronostic, comme le diagnostic, ne peuvent résulter que d'un ensemble de signes. Certaines observations cliniques sont restées justement célèbres, comme le « faciès hippocratique » ou encore l'incurvation des ongles dans certaines pneumopathies (« doigt hippocratique » avec ongle « en verre de montre »). L'auscultation immédiate était déjà pratiquée par certains médecins qui appliquaient l'oreille contre la poitrine pour écouter des bruits internes dans des affections pulmonaires (par exemple « bruit du cuir », « bruit du vinaigre ») ; cette pratique du ve siècle avant J.-C. ne réapparaîtra pas avant le xixe siècle. Sans doute cet esprit d'observation était-il limité par de sérieux obstacles. La dissection des cadavres n'étant pas pratiquée, l'anatomie interne reste fort sommaire. La description des vaisseaux sanguins par Polybe, disciple d'Hippocrate, ne mentionne même pas le cœur. Le pouls et les battements normaux du cœur ne sont pas notés ; le battement des vaisseaux aux tempes est considéré comme un symptôme pathologique. Pour la physiologie, les médecins étaient réduits à imaginer des processus internes (flux d' humeurs) par analogie avec des processus externes : par exemple certains organes en forme de ventouses, comme la tête, la vessie ou l'utérus, attirent les humeurs. Mais les médecins ont consigné, dans la description des maladies ou des malades, une foule d'observations concrètes et précises sur les symptômes, sur les signes pronostiques et sur le processus de développement de la maladie (crise, dépôt, récidive, métastase), en essayant de dégager de la masse des observations particulières des lois plus générales. Certaines maladies sont bien décrites (oreillons avec orchite, fièvres paludéennes, fièvres typhoïdes, pneumonie, phtisie, tétanos) ; mais malgré la précision des descriptions, les diagnostics rétrospectifs ne sont pas toujours aisés, car le découpage nosologique des Anciens ne correspond pas nécessairement au nôtre.

L'unité de la Collection hippocratique vient surtout de ce que les médecins ont abordé les problèmes de la maladie avec une pensée rationnelle. Même si l'on peut déceler çà et là dans le vocabulaire employé un héritage d'une pensée archaïque où la maladie était une force démoniaque qui pénétrait de l'extérieur dans le malade pour s'emparer de lui, et où la thérapeutique consistait à l'écarter, la pensée hippocratique ignore ou refuse toute intervention particulière d'une divinité dans le processus de la maladie et toute thérapeutique magique par les prières, les incantations ou les purifications. La chose est d'autant plus remarquable qu'une grande partie de la littérature contemporaine (les Histoires d'Hérodote, la tragédie et la comédie) reflète des conceptions plus populaires où la maladie est souvent envoyée par les dieux, et que la médecine religieuse, notamment dans les temples d'Asclépios à Corinthe, Athènes, Épidaure et Cos, la patrie d'Hippocrate, connut, au moment même où exerçaient les médecins hippocratiques, un essor sans précédent avec des guérisons miraculeuses par l'intervention du dieu. Sans doute le rationalisme hippocratique n'est-il pas un athéisme. Il n'y a pas incompatibilité entre la médecine rationnelle des Asclépiades et la pratique de la religion traditionnelle : le Serment est prononcé en invoquant les divinités guérisseuses Apollon, Asclépios, Hygie et Panacée ; les Asclépiades de Cos et de Cnide jouissaient de privilèges religieux au[...]

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Écrit par

  • : professeur de grec à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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Média

Hippocrate - Cos - crédits : Rabatti - Domingie/ AKG-images

Hippocrate - Cos

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