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HIPPODAMOS DE MILET (Ve s. av. J.-C.)

Philosophe, théoricien politique, architecte, urbaniste, Hippodamos de Milet représente, au début du ~ ve siècle, le type achevé des descendants de l'école philosophique de Milet, dont Thalès, au ~ vie siècle, apparaît comme l'inspirateur. Nourri de cette tradition, ayant exercé sa réflexion sur les règlements et les constitutions promulguées au siècle précédent par les législateurs de l'Ouest et de l'Est, Hippodamos de Milet est devenu, en quelque sorte, le symbole des urbanistes classiques. D'après Aristote, il fut essentiellement un théoricien, celui qui inventa la division des villes et adapta leur tracé aux conceptions philosophico-politiques de ces penseurs dont Platon devait tirer beaucoup de ses préceptes.

Il s'agissait de fournir aux citoyens, dans le cadre d'une communauté politique bien définie et harmonieuse, les éléments essentiels de leur vie privée et de leur vie commune. D'abord, leur nombre est limité (5 040, au maximum) et le cadre urbain doit être équilibré et ne saurait s'étendre à l'infini. Les fonctions de la ville (politiques, économiques, sociales, religieuses) s'expriment dans un plan clairement organisé, où toutes les zones reçoivent une destination dont l'emplacement et l'étendue sont fixés d'après leur fonction. Le plan est tracé par des axes principaux, les plateiai, que recoupent des transversales. Le damier, ainsi défini, donne des zones résidentielles, et un certain nombre d'îlots sont réservés suivant les meilleures conditions topographiques qu'ils offrent pour les sanctuaires, les agoras et places marchandes, les édifices de représentations et de concours, théâtres, gymnases, etc., les édifices à caractère politique et administratif.

Le nom d'Hippodamos de Milet symbolise moins le plan urbain orthogonal, au tracé régulier, connu bien avant lui, que le principe d'une division fonctionnelle du tissu urbain, prévoyant des zones réservées et adaptées aux fonctions essentielles de la communauté pour laquelle il est implanté et défini.

Cet architecte aux conceptions révolutionnaires — qu'Aristote décrit comme un dilettante cherchant à se faire remarquer par sa longue chevelure et le luxe de ses vêtements, les mêmes en hiver qu'en été (La Politique, liv. XI) — eut l'audace de raisonner sur la « totalité de la nature » et même de proposer une constitution politique. Le caractère fort inhabituel du passage qui le concerne dans l'œuvre aristotélicienne a conduit certains à mettre en doute son authenticité. Hippodamos, qui s'était déjà signalé à l'attention en « découpant le Pirée en damiers », émet des idées politiques qui reflètent, elles aussi, l'apport de l'école milésienne à la mathématique : sous l'influence de Thalès, le penseur, de faiseur de théogonies, s'était mué en savant, en géomètre. Conforme à l'esprit de géométrie est, en effet, la division que propose Hippodamos de la cité idéale en trois classes : artisans, agriculteurs, combattants ; ainsi que la triple division du territoire : la première partie étant sacrée, la deuxième publique (avec les combattants), la troisième privée (avec les agriculteurs). Triples encore sont les motifs engendrant les litiges auxquels doivent correspondre trois sortes de lois. L'élection des magistrats se fait par les trois classes de citoyens. Le projet d'Hippodamos comprend, en outre, l'idée d'une réforme dans la manière de rendre les sentences en justice, une proposition de conférer certains honneurs à ceux qui font quelque découverte utile à la cité ; une autre stipulant que les orphelins de guerre seront élevés aux frais du trésor public.

Pour ironiques que soient à leur sujet les propos d'Aristote, les idées d'Hippodamos n'en ont pas moins fait date.[...]

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