BAYARD HIPPOLYTE (1801-1887)
L'œuvre photographique
En se photographiant en noyé, Bayard fixe son image d'inventeur maudit. Mais d'un autre côté, il inaugure son œuvre de photographe primitif. Il s'agit en effet de la première mise en scène avec personnage de l'histoire de la photographie. Avec cet autoportrait morbide, Bayard n'est plus dans l'expérimentation d'un procédé mais dans la production d'une œuvre. Jusqu'au début des années 1840, il continue à produire des positifs directs. Les statuettes en plâtre utilisées pour ses premiers essais se font de plus en plus nombreuses ; il les assemble en de véritables sujets, toujours équilibrés autour d'un axe central de la composition. Bayard, qui explore le genre de l'autoportrait, inscrit parfois son corps dans ces arrangements. Il délaisse bientôt le positif direct pour le procédé négatif-positif de Talbot. Trouvant ses sujets à proximité de chez lui, dans son jardin ou son quartier des Batignolles, Bayard joue des variations, ajoutant ou modifiant la place des objets dans ses natures mortes, habillant ou disposant différemment ses personnages, ou encore passant de la vue horizontale à la vue verticale, comme l'a si bien montré l'historien Michel Frizot dans son essai Bayard en son jardin. Variations sans thème (1986).
De 1842 à 1845 environ, Bayard pratique parallèlement le daguerréotype. Outre les vues du château de Blois réalisées avec son élève François-Auguste Renard à la demande de l'architecte Duban, on lui connaît également une vue du château de Dampierre (Yvelines) aménagé par Duban toujours, de nombreux autoportraits et portraits de ses proches, dont le peintre Jules Ziegler. À partir de 1847, il profite des améliorations apportées par le Lillois Blanquart-Evrard au procédé de Talbot pour photographier de nombreux monuments parisiens : la place de la Concorde, l'arc de Triomphe, la cathédrale Notre-Dame. Il est un des premiers à abandonner le négatif papier au profit du négatif verre à l'albumine mis au point par Niépce de Saint-Victor, un procédé loué pour sa finesse mais peu pratiqué à cause de la longueur des temps de pose. En 1849, les vues d'architecture de cet inventeur-photographe sont justement remarquées à l'Exposition des produits de l'industrie où il remporte une médaille d'argent : « Jamais aucun opérateur, en aucun pays, n'a produit sur papier des vues aussi détaillées, aussi pures de contours, aussi fraîches et vigoureuses d'effet », écrit dans son rapport Léon de Laborde. Les vues d'architecture présentées à l'Exposition universelle de Londres, en 1851, remportent un succès équivalent. 1851 est d'ailleurs une année riche pour la photographie. Elle correspond à la naissance de la Société héliographique, première société de photographie composée d'amateurs, artistes, scientifiques et écrivains. Bayard, qui fait partie du comité, se montre intéressé au cours des différentes séances par les procédés de tirages, visant notamment à réduire leur temps de fabrication par des réactifs chimiques. À une époque où les épreuves s'obtiennent à la lumière du soleil, il invite plusieurs membres de la société à une séance de tirage à la lumière électrique.
En juin 1851, en même temps que quatre jeunes photographes – Edouard Baldus, Henri Le Secq, Gustave Le Gray et Auguste Mestral – Bayard est sélectionné par la commission des Monuments historiques, pour photographier un certain nombre de monuments français. L'enjeu est de taille puisqu'il s'agit de la première commande publique de photographie, aujourd'hui connue et célébrée sous le nom de Mission héliographique. Bayard doit accomplir sa mission en Normandie. Mais pas plus qu'il n'a honoré une commande de six vues passée par cette institution en août 1849, il n'honorera celle de la Mission héliographique.[...]
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Écrit par
- Anne de MONDENARD : diplôme de l'École Louis-Lumière, diplôme de recherche de l'École du Louvre, responsable du fonds de photographie à la Médiathèque de l'architecture et du patrimoine, Paris
Classification
Médias
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