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KORE-EDA HIROKAZU (1962- )

Le 19 mai 2018, vingt-sept ans après ses premiers documentaires pour la télévision, vingt-trois ans après son premier long-métrage de fiction, Kore-eda Hirokazu reçoit la palme d’or des mains de Cate Blanchett, présidente du jury cannois. C’est la confirmation logique d’une reconnaissance internationale dont il ne fut jamais privé.

Familles en crise

Né le 6 juin 1962 à Tōkyō, il grandit dans la grande banlieue de la capitale, dans une cité qui sera le décor réel de son film Après la tempête (2016). Pendant ses études, tel le jeune François Truffaut, il préfère les salles de cinéma aux salles de cours. Ses universités, il l’a dit lui-même, ce sont les films de Ozu, Kurosawa, Naruse, Renoir, Fellini et Truffaut lui-même. La ressemblance avec Truffaut ne s’arrête d’ailleurs pas aux chemins de l’école buissonnière. D’origine modeste, attentifs aux enfants, artisans d’une mise en scène discrète, faussement invisible, attachés au romanesque, tous deux mêlent la clarté du trait et la profondeur du propos. L’art de raconter avec simplicité des histoires compliquées les réunit.

Dès son premier long-métrage, Maborosi(1995), Kore-eda est primé à la Mostra de Venise. Ce film inaugure son questionnement sur la circulation de la mémoire et des sentiments dans une famille contemporaine tourmentée. La tragédie, présente dans beaucoup de ses œuvres, n’exclut jamais l’humour et une proximité sentimentale avec le spectateur, une familiarité, une chaleur qui le rapprochent des cinéastes cités plus haut. Il est en mesure de raconter le drame terrible et authentique de quatre enfants abandonnés par leur mère pendant des semaines dans un appartement de Tōkyō (NobodyKnows, 2004) et de reprendre cette thématique des enfants sans parents avec de petits aventuriers courageux prenant la route pour réaliser les vœux qu’ils portent au fond de leur cœur (I Wish, 2011). Les deux œuvres sont symétriques : avec la même thématique, NobodyKnows est un film glaçant, I Wish une comédie d’une folle gaieté, inventive, bourrée de fantaisie, où on n’oublie jamais les conflits réels, les frustrations, et même les dangers naturels qui obsèdent le Japon, mais où tout est ramené à l’énergie de gamins qui laissent un sentiment d’optimisme triomphant. Avec la mise en perspective des différentes générations et des rapports qu’elles entretiennent entre elles, Kore-eda exerce une sorte de vision stéréoscopique qui nous permet de saisir simultanément tous les points de vue. La famille, qui n’est jamais une structure figée dans ses films, au contraire de l’apparence rigide si chère à la tradition japonaise, occupe également une place centrale dans StillWalking (2008), chronique très fine de la rencontre de trois générations à la campagne. Quant à la conformité, elle explose totalement dans Tel père, tel fils (2013), où l’échange de deux bébés à la naissance disqualifie les liens du sang pour donner tous leurs droits à des sentiments différents et plus forts. La mise en cause se poursuit avec Notre petite sœur (2015).

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<em>Une affaire de famille</em>, Kore-eda - crédits : Fuji Television Network/ GAGA/ AOI Promotion/ BBQ_DFY/ Aurimages

Une affaire de famille, Kore-eda

Autres références

  • UNE AFFAIRE DE FAMILLE (H. Kore-eda)

    • Écrit par
    • 1 123 mots
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    Le titre français, Une affaire de famille, et le titre anglais, Shoplifters, traduisent chacun une partie du titre japonais de la palme d’or 2018, qui signifie littéralement « vol à l’étalage en famille ». Les membres de l’improbable famille évoquée par Kore-eda Hirokazu sont des voleurs modestes....

  • JAPON (Arts et culture) - Le cinéma

    • Écrit par
    • 5 429 mots
    • 2 médias
    Cinéaste plus effacé et moins prolifique, Kore-eda Hirokazu construit patiemment une œuvre personnelle. Il est rendu célèbre par son deuxième film, After Life (Wandafururaifu,1998). Par la suite, StillWalking(Aruitemoaruitemo, 2008) et Tel père, tel fils (Soshite chichi ni naru,2013) ont...