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TESHIGAHARA HIROSHI (1927-2001)

Maître d'Ikebana (art de l'arrangement floral), auteur de yakimono (poteries) et d'arrangements artistiques divers, metteur en scène de cinéma, de théâtre et d'opéra, le Japonais Teshigahara Hiroshi est un artiste complet, goûtant à toutes les disciplines, et alliant la modernité la plus radicale à la tradition la plus vivante.

Fils du grand maître d'Ikebana Teshigahara Sofu, fondateur de la célèbre école Sōgetsu, Teshigahara Hiroshi, né le 28 janvier 1927, aborde l'étude de l'histoire de l'art dès 1944, et plus précisément celle de la peinture à la faculté des Arts de Tōkyō pendant trois ans (1950- 1953). C'est là qu'il fréquente un groupe de tendance surréaliste, le Seiki (le Siècle), où il fait la connaissance du jeune écrivain Abe Kōbō, avec qui il collaborera maintes fois au cinéma. Il étudie aussi la technique cinématographique avec le documentariste Kamei Fumio, travaillant comme assistant sur son film Le monde qui terrorise (1953), et réalisant lui-même un court-métrage sur le peintre Hokusai (1953). Teshigahara fréquente ensuite le groupe Cinéma 1957, avec les cinéastes Matsuyama Zenzo, Kawazu Yoshiro, et surtout Hani Susumu, qui deviendra l'un des principaux fers de lance de la nouvelle vague indépendante des années 1960. Après deux autres courts-métrages documentaires, Ikebana (1956) et Tokyo 1958, il effectue un voyage aux États-Unis avec son père en 1959, où il tourne un documentaire sur le boxeur José Torres. Mais c'est en 1962 qu'il parvient à tourner son premier long-métrage, Le Traquenard, adapté d'un roman socio-fantastique d'Abe Kōbō, étrange histoire mêlant syndicalistes et revenants. C'est le premier film marquant d'une longue collaboration avec l'écrivain, dont La Femme des sables (1963, prix spécial du jury à Cannes en 1964) sera de loin le plus abouti, et le plus fameux à l'étranger. Transposant visuellement l'univers surréel d'Abe, grâce à l'extraordinaire travail de son opérateur Segawa Hiroshi, Teshigahara aborde son thème de prédilection, à savoir la perte de l'identité sociale et subjective, à travers le destin d'un entomologiste perdu dans les dunes (Okada Eiji), qui devient l'heureux prisonnier d'une femme mystérieuse (Kishida Kyōko) dans un entonnoir sablonneux, renonçant à sa place dans la société. Le cinéaste y filme magistralement un sable minéral, instable, érotique, qui devient quasiment le principal personnage du film.

Après un épisode („L'Aube blanche“) de la coproduction internationale Les Adolescentes (ou La Fleur de l'âge, 1964), Teshigahara revient à l'univers d'Abe Kōbō avec Le Visage d'un autre (1966), où un industriel défiguré par un accident se compose le masque d'un autre homme, afin de séduire sa propre femme – nouvelle variation sur le renoncement à l'identité et sur l'appel des pulsions anonymes. Enfin, dans le Plan déchiqueté (ou La Carte brûlée, 1968), un détective privé tente vainement de retrouver la trace d'un homme disparu, tandis qu'il perd peu à peu les traits de sa propre personnalité dans une ville abstraite et absurde, Tōkyō. Ces films seront des échecs commerciaux, tant au Japon qu'à l'étranger. Le cinéaste se tourne alors vers un réalisme documentaire inattendu, avec Summer Soldiers (1972), qui raconte le sort des déserteurs américains de la guerre du Vietnam réfugiés au Japon. Nouvel échec, qui le contraint à se retirer du monde du cinéma pendant quelques années, avant d'y revenir avec un documentaire sur Antonio Gaudí (1984), et deux films historiques relativement décevants, Rikyu (1989), sur le grand maître de la cérémonie du thé, et Goh Hime (ou Princesse Bassorah, 1992).

Mais Teshigahara a plus d'une corde à son arc. Après avoir repris la direction[...]

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