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HISTOCOMPATIBILITÉ

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On sait que le patrimoine génétique humain est porté par un ensemble de vingt-trois paires de chromosomes sur lesquels existent quelques milliers de gènes. Chacun d'eux est situé à un emplacement défini ou locus. Un locus peut être occupé par un gène invariable, quant à sa structure, dont le produit est le même chez tous les hommes. En revanche, très souvent, le gène présentera des variantes (ou allèles), lesquelles entraîneront des modifications au niveau du produit issu de ce gène ; cette caractéristique permettra de distinguer des « groupes » d'individus possédant l'une de ces variantes. Un tel gène de type polymorphe constitue à lui seul un système génétique. Chacun de nous ayant reçu deux patrimoines de vingt-trois chromosomes, l'un paternel et l'autre maternel, il pourra être, pour un caractère donné, homozygote s'il a reçu deux gènes identiques, ou hétérozygote dans le cas contraire.

HLA : organisation génétique - crédits : Encyclopædia Universalis France

HLA : organisation génétique

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La notion de système a été étendue à un ensemble de gènes étroitement liés, c'est-à-dire très proches les uns des autres sur le même chromosome. C'est le cas du système HLA (human leucocyte antigen) porté par le petit bras de la sixième paire de chromosomes (6 p 21.3). Au départ, ce système semblait être constitué de deux loci, HLA-A et HLA-B, mais il s'est avéré par la suite comme étant beaucoup plus complexe, comportant en fait plusieurs gènes polymorphes de fonctions diverses. C'est pourquoi on a tendance, à l'heure actuelle, à parler de « complexe HLA » plutôt que de système HLA. Il code pour trois types de protéines, dites des classes I, II et III.

Il apparaît de plus en plus que ce complexe présente une importance fondamentale en biologie, puisqu'il entre en jeu dans la réponse immunitaire. C'est-à-dire qu'il joue un rôle capital en réponse à toute agression microbienne, virale ou parasitaire. Mais les gènes de classe I et de classe II se différencient des autres gènes impliqués dans cette réponse – par exemple ceux des immunoglobulines ou des récepteurs aux antigènes des lymphocytes T (TcR) – par leur nombre et la variété des différents allèles possibles, donc par leur polymorphisme, au niveau de chaque locus. De cette combinatoire, le complexe HLA tire sa remarquable diversité.

Ces gènes se trouvent dans trois régions étroitement liées sur le petit bras du chromosome humain 6 ; au moins six gènes, sur plus de vingt qui existent dans la région, sont responsables d'un très grand polymorphisme. Chaque individu, ayant reçu de ses deux parents une des variantes de ces gènes, est porteur d'une combinaison d'au moins douze allèles (six paternels et six maternels) ou haplotypes. Le nombre des combinaisons possibles de ces douze caractères, ou plus, s'élève déjà à plusieurs milliards, faisant de la formule HLA de chacun une véritable carte d'identité. C'est à partir de cette carte que notre système immunitaire peut reconnaître le soi du non-soi et réagir d'une façon appropriée. En même temps, les molécules des classes I et II sont le reflet, à sa surface, de l'intérieur de la cellule. Cela permet un bon fonctionnement cellulaire, même moléculaire, et garantit l'absence de parasites, de virus ou de micro-organismes.

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Dans la même région du chromosome 6 se trouvent encore des gènes qui gouvernent certains facteurs solubles impliqués dans la réponse immunitaire, comme le complément, TNF, TAP et autres facteurs qui restent à caractériser. En outre, un nombre croissant de maladies se trouve associé directement à certains variants (haplotypes) du complexe HLA ou des gènes voisins.

Donc, sur le plan pratique comme sur le plan fondamental, les études du complexe HLA apportent de nouvelles connaissances, en particulier en transplantation, en médecine préventive, voire prédictive, et en thérapeutique. Les résultats de ces études assurent une survie à long terme des organes et cellules greffées, le dépistage de la population à risque pour plusieurs maladies héréditaires et la guérison éventuelle de ces maladies par thérapie génique.

Le complexe HLA a constitué le premier modèle génétique important décrit chez l'homme, et son étude a engendré, parallèlement, un phénomène jusqu'alors sans précédent : l'établissement de workshops internationaux. C'est en partie grâce à ces ateliers de travail que la communauté scientifique internationale a pu échanger, critiquer, décrypter les informations présentées lors de ces rencontres périodiques, intégrer et réactualiser sans cesse cette accumulation de données en un ensemble cohérent.

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À chaque session, le workshop choisit un sujet (par exemple la diversité, succédant à l'étude des marqueurs de polymorphisme en PCR ou RFLP). Tous les participants contribuent et échangent leurs réactifs (par exemple sérums, amorces pour PCR, etc.). Le travail est divisé en trois grandes catégories (HLA et populations, HLA et maladies, HLA et greffes) et sous-divisé par « sociétés ». Chaque société intègre toutes les données pour un antigène HLA, par exemple DR3, et les réactualise dans chaque catégorie. Donc un participant qui travaille sur le diabète va tester tous ses diabétiques (ou familles) avec les mêmes réactifs qu'un autre participant qui travaille avec les populations (par exemple Druse). Les sociétés choisissent les réactifs, et un service centralisé effectue leur distribution et la réception des données.

Ainsi, l'esprit workshop a énormément contribué à la progression rapide des efforts dans ce domaine. En effet, aucun groupe ou laboratoire ne pouvait à lui seul prétendre gérer les informations provenant de ses découvertes, éviter de dupliquer inutilement ses efforts et communiquer rapidement ses résultats. Il fallait, sans décourager l'innovation technique ou expérimentale de chacun, coordonner la progression des différents projets, ne serait-ce que pour respecter des références communes et standardiser, d'une certaine manière, les résultats obtenus sur les familles étudiées.

Fonctions des classes I et II du complexe HLA

Le point de départ provient de l'observation suivante : les leucocytes d'un sujet peuvent être soit agglutinés par le sérum (anticorps) d'un receveur, soit réagir avec – et/ou faire réagir (c'est-à-dire proliférer et/ou faire proliférer in vitro après co-incubation et culture) – les leucocytes du receveur, dits incompatibles. Les déterminants spécifiques de cette réaction d'incompatibilité sont des structures protéiques codées par les loci des classes I et II du complexe HLA.

Classe I

Les gènes des loci A, B et C produisent des protéines ubiquitaires (cf. infra, Structure), présentes à la surface de la quasi-totalité des cellules nucléées, protéines que l'on nomme antigènes de transplantation pour indiquer le rôle qu'elles détiennent dans le rejet des greffes. Les protéines produites par les loci E, F, G et H sont semblables, mais elles sont moins polymorphes, ne sont pas ubiquitaires et n'apparaissent qu'à la surface de cellules particulières, comme les cellules hépatiques et rénales. Elles sont détectables, en cas d'incompatibilité, soit par réaction sérique, soit par réaction lymphocytotoxique. Un sérum réactif agglutinera les leucocytes qui possèdent les antigènes A, B ou C du sous-type correspondant, l'allotype. Un tel sérum proviendrait par exemple d'un individu immunisé : une femme multipare sera immunisée à la suite de gestations d'enfants possédant les antigènes A, B ou C, différents de ceux de la mère. La réaction lymphocytotoxique interviendra quand les leucocytes cibles seront mélangés à un sérum réactif, ce qui entraînera la mort des lymphocytes porteurs de l'antigène sensibilisant.

Classe II

Codée par les gènes DR, DP et DQ, ces protéines sont seulement présentes à la surface de certains types cellulaires, surtout les macrophages, les lymphocytes B et une minorité de lymphocytes T, les Th2 (cf. infra). Leur existence a été démontrée par une réaction entre lymphocytes, dite cellulaire. Bien que les antigènes de classe II puissent produire une réaction sérique, les anticorps restent difficilement détectables. En revanche, comme la réaction sérique, la réaction cellulaire provoquée par les antigènes HLA de classe I peut être très forte.

Le rôle des protéines de classe I et de classe II est double. Il consiste d'abord à distinguer le soi du non-soi, puis à vérifier le bon déroulement des événements à l'intérieur de la cellule (cf. infra). En fait, ces deux fonctions sont le reflet d'une même réalité : la synthèse, l'assemblage et la conformation en structure tridimensionnelle des molécules HLA de classe I et de classe II leur permet de présenter des peptides potentiellement antigéniques aux cellules T helper du système immunitaire.

Soi et non-soi

L'ensemble HLA- peptide antigénique est reconnu par le système immunitaire. Cependant, si le peptide était déjà présent durant la maturation de la cellule T (ce qui se produit habituellement dans le thymus), le clone cellulaire correspondant sera éliminé et aucune cellule T ne sera capable d'induire une réponse immunitaire. Ainsi, le répertoire de cellules T correspondant au soi est éliminé. Toute autre combinaison peptide-HLA subsistera dans les répertoires T et sera considérée comme non-soi.

Déséquilibres intracellulaires

C'est l'ajustement précis de la discrimination soi/non-soi qui fait de ce mécanisme un contrôle excellent du milieu intracellulaire. Non seulement la nature, mais aussi la diversité et la densité des différents peptides représentés par les molécules des classes I et II à la surface cellulaire peuvent varier et initier la réponse immunitaire. Ainsi, toute perturbation du milieu intracellulaire conduira à des variations qualitatives et/ou quantitatives à la présentation des peptides à la surface de la cellule, par les molécules HLA.

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Écrit par

  • : professeur honoraire au Collège de France, président de la fondation Jean Dausset-C.E.P.H.
  • : biologiste moléculaire

Classification

Médias

HLA : organisation génétique - crédits : Encyclopædia Universalis France

HLA : organisation génétique

Protéines des classes 1 et 2 - crédits : Encyclopædia Universalis France

Protéines des classes 1 et 2

Antigène peptidique par molécules HLA de classes 1 et 2 - crédits : Encyclopædia Universalis France

Antigène peptidique par molécules HLA de classes 1 et 2

Autres références

  • CANCER - Immunothérapie

    • Écrit par
    • 5 131 mots
    • 5 médias
    ...leurs anomalies et devenir « invisibles » aux lymphocytes T. Elles ont, par exemple, la capacité de diminuer l’expression des molécules du complexe majeur d’histocompatibilité de classe I qui présentent les antigènes tumoraux à la surface des cellules : dans ces conditions, les lymphocytes T cytotoxiques...
  • DAUSSET JEAN (1916-2009)

    • Écrit par
    • 954 mots

    Le Français Jean Dausset, né à Toulouse en 1916 et décédé à Palma de Majorque (Espagne) le 6 juin 2009, a révolutionné le monde de l'immunologie avec sa découverte des molécules du « complexe majeur d'histocompatibilité », une contribution essentielle pour comprendre les règles de...

  • GREFFE MÉDULLAIRE

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    On définit la greffe médullaire comme la transplantation de moelle osseuse. On distingue l'autogreffe (le donneur et le receveur de la moelle osseuse sont la même personne) et l'allogreffe (donneur et receveur sont deux personnes distinctes). La greffe apporte les éléments hématopoïétiques...

  • GREFFES

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    Tout phénomène immunologique implique une stimulation antigénique. On parlera d'histocompatibilité lorsque les constituants antigéniques du donneur et du receveur seront tels que ce dernier ne pourra pas se sensibiliser contre le greffon, et d'histo-incompatibilité lorsque la sensibilisation...
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Voir aussi