HISTOIRE DE L'ART ANTIQUE : L'ART GREC (B. Holtzmann et A. Pasquier) Fiche de lecture
L'École du Louvre connaît depuis un certain nombre d'années de profondes mutations : le nouveau cadre architectural inauguré en 1998 et conçu par Antoine Stinco est à l'image des ambitions de cette institution plus que centenaire. Historiens de l'art ou des civilisations disposent d'un outil de formation de haut niveau, qui propose des enseignements généraux ou encadre des travaux de recherches : l'École du Louvre n'est pas seulement l'antichambre des carrières du patrimoine, elle est aussi – et surtout – un haut lieu de culture et de formation du goût. Dans cette perspective de pédagogie et de rénovation, elle édite depuis 1997 des manuels qui s'adressent aux étudiants comme aux amateurs. François Baratte est l'auteur du premier ouvrage de la série : L'Art romain. Bernard Holtzmann, professeur d'archéologie grecque à l'université de Paris-X-Nanterre, et Alain Pasquier, conservateur général du Patrimoine, ont entrepris pour leur part de présenter L'Art grec, du xie siècle au ier siècle av. J.-C. (École du Louvre, La Documentation française, Paris, 1998).
Selon les principes de la collection, ce nouveau volume est conçu en trois parties : la première est destinée à mettre en relief les finalités et les modalités de l'art grec (destinataires, commanditaires et producteurs) ; la deuxième à étudier des œuvres représentatives des diverses époques (archaïque, classique, hellénistique), et des techniques (travail de la pierre, du métal, production céramique, grande peinture, monuments architecturaux, etc.) ; la troisième enfin est consacrée à la postérité de l'art grec, depuis ses métamorphoses sous l'Empire romain jusqu'aux résurgences modernes. La qualité d'édition ne se dément pas : on retrouve l'excellence des illustrations, la rigueur des informations systématiquement remises à jour et le souci d'offrir un outil de travail utile (index, glossaire, cartes, chronologie, planches, définition des mots clés ou des mots difficiles dans la marge, notes réduites à l'essentiel, références bibliographiques récentes). Parmi les nombreux ouvrages pédagogiques existants, il s'agit indiscutablement d'un manuel de luxe.
Le point de départ du volume est un constat, celui de la faillite du regard fasciné que l'Occident n'a cessé de poser sur les œuvres d'art grecques. Depuis la Renaissance jusqu'à la fin du xixe siècle, voire encore jusqu'au début du xxe siècle, la Grèce antique paraissait d'autant plus familière qu'elle était perçue, de manière exclusive, à travers le prisme déformant de relectures postérieures (humanisme, classicisme français, néo-classicisme) : la qualité propre des œuvres et leur histoire importaient moins en elles-mêmes que leur capacité à légitimer un système de valeurs académiques, un ordre esthétique préétabli.
Contre la tradition d'une exaltation convenue, les auteurs du manuel revendiquent un regard plus distant, dégagé de tout discours abstrait, avec le souci de replacer l'œuvre dans son contexte ou dans son cadre de fabrication. Plutôt que de célébrer encore une fois, par des formules éculées, le « miracle grec », ils souhaitent éveiller l'attention sur les conditions matérielles et historiques des œuvres, sur leur environnement réel. Ce parti pris a conduit les auteurs à délaisser La Dame d'Auxerre ou la Vénus de Milo et à préférer des œuvres moins célèbres, mais essentielles à la compréhension de l'art grec, comme le pectoral de Samos et l'amphore au citharède barbu du Louvre.
Ce souci constant d'éviter toute surchauffe rhétorique au détriment de la compréhension de l'objet ne rompt pas pour autant avec une approche esthétique. Tel est au fond le défi lancé à tout historien de l'art antique aujourd'hui[...]
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Écrit par
- Francis PROST : maître de conférences d'histoire grecque à l'université de Rennes-II
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