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ATLANTIQUE HISTOIRE DE L'OCÉAN

La civilisation atlantique

Les Européens qui ont fondé outre-Atlantique leurs colonies ont amené avec eux leurs langues, leurs techniques et les institutions de leur pays d'origine. Ainsi le régime féodal – tel du moins qu'il existait encore au xviie siècle en France et en Angleterre – a été implanté au Canada et dans quelques colonies anglaises de l'Amérique du Nord, le système des latifundia espagnols se retrouve dans les grands domaines du Mexique. En échange, l'Amérique fournit à l'Europe des plantes nouvelles (maïs, pommes de terre, tabac, haricots) dont l'introduction aura des conséquences énormes sur l'évolution économique et démographique des pays européens. Sans doute le café et le coton ne sont-ils pas venus d'Amérique, mais leur culture extensive sur ce continent entraînera l'accroissement de leur consommation en Europe. L'Afrique a également contribué au développement de cette civilisation atlantique. Du milieu du xvie au milieu du xixe siècle, la traite a transporté plus d'un million et demi d'esclaves noirs en Amérique du Nord, du Centre et du Sud. Leurs descendants se sont généralement mêlés aux Indiens et aux Européens, et ont produit une population de couleur. Les Blancs, surtout les Ibériques, se sont également métissés avec les Indiens. Mais, au xviiie siècle, la majorité des habitants de l'Amérique est tournée vers l'Europe. C'est d'Europe qu'on attend l'instruction, les techniques et les idées nouvelles. Celles-ci franchissent l'Atlantique, plus rapidement qu'elles ne passeraient un continent, car, étant donné les moyens de transport de l'époque, on continue à circuler plus facilement et plus vite sur mer que sur terre.

Sans doute existe-t-il quatre Amériques différentes : l'anglo-américaine, la française, la portugaise et l'hispano-indienne, mais toutes ont lu, au xviiie siècle, les œuvres des philosophes européens, dans la mesure où ces ouvrages ont pu leur parvenir, c'est-à-dire très largement dans les Amériques anglo-américaine et française, et, peut-être, de manière plus diffuse, dans les régions portugaise et hispano-indienne en raison des obstacles dressés par la censure. Ainsi s'est-il formé, de part et d'autre de l'Atlantique, une civilisation tendant à promouvoir les idées de liberté individuelle, d'égalité, d'indépendance nationale. Jugée à la lueur des théories de Jean-Jacques Rousseau ou de l'abbé Raynal, l'Amérique apparaît même la terre d'élection pour le développement de ces idées nouvelles : l'Américain est présenté par les philosophes comme l'homme à l'état de nature, par excellence, débarrassé de tout le complexe politique, du fléau de la guerre, des ordres sociaux, du poids de la richesse et du fardeau de la pauvreté, des privilèges qui caractérisaient l'Europe et dont les philosophes souhaitaient la disparition. Faisant contraste avec une Amérique idéalisée, les Européens découvrirent à leurs institutions devenues archaïques un caractère injuste, irrationnel. Quant aux Américains, certains voulurent ressembler au portrait flatteur qu'on traçait d'eux, mais d'autres, dans les domaines ibériques, se levèrent contre l'idée d'un continent « naturel » pour montrer que les civilisations indiennes, inca et aztèques, étaient à la hauteur d'Athènes et de Rome. Un patriotisme américain s'affirmait à travers cette controverse du « Nouveau Monde ». Par ailleurs, les mouvements profonds de la conjoncture tendaient à devenir les mêmes de part et d'autre de l'Atlantique. La période de longue prospérité, qui va de 1730 à 1770 environ, a été vécue en Amérique aussi bien qu'en Europe, et la stagnation des années 1770-1800 est également notée dans les deux continents.[...]

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Écrit par

  • : doyen de la faculté des lettres et sciences humaines de Toulouse
  • : maître de conférences en histoire contemporaine à l'université de Nantes

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