INDIEN HISTOIRE DE L'OCÉAN
Autant et plus encore que la Méditerranée, mère de l'Occident, l'océan Indien apparaît comme un gigantesque foyer de cultures et de civilisations tout aussi importantes, comme le carrefour immémorial des immenses aires culturelles de l'Extrême-Orient, de l'Inde, de l'Arabie et de l'Afrique dont les contacts, les interpénétrations et les chocs ont, au cours de l'histoire « ancienne » de cet océan, modelé la physionomie de ses rivages et des pays qui le bordent. Quand, au xvie siècle, les Européens firent irruption dans la mer indienne, ils y découvrirent un monde autonome, aux réalités insoupçonnées à cette époque, connu vaguement par des mythes, des légendes invérifiables et des produits précieux parvenus en Europe par des cheminements dont l'origine et les modalités restaient obscures. Sans doute, jusque-là, les vicissitudes et les convulsions de l'histoire n'avaient pas épargné cette mer qui fut depuis la plus haute antiquité un lieu de rencontres et de confrontations entre des intérêts culturels et commerciaux, des incursions ou des migrations de peuples, des impérialismes, entremêlés ou superposés. L'impact de l'Europe sur l'océan eut des conséquences plus capitales encore que les expansionnismes chinois, indien, indonésien ou musulman. En effet, après des périodes de rayonnement (intenses et durables certes dans le domaine culturel), l'insuffisance des techniques, les vicissitudes politiques des pays « colonisateurs » (l'Inde hindouiste, la Chine « médiévale », l'Indonésie migratrice), la décadence, le repliement subséquent de certains de ces empires, leur incapacité à s'établir et à pénétrer en profondeur au-delà des rivages de leurs établissements, avaient laissé subsister de vastes zones inconnues d'eux et, a fortiori, de l'Europe.
La pénétration puis la domination exercées dans l'océan Indien par les Européens arrachèrent cette immense région à son existence autonome et, la reliant de force aux intérêts occidentaux, en firent, comme des Amériques, un champ ouvert aux ambitions européennes, religieuses, territoriales et militaires, mais surtout détournèrent vers l'Europe certains des circuits les plus prospères de son commerce. Cette dernière distorsion fut, à vrai dire, la plus profondément ressentie. Maîtres de forteresses, de « loges », de points d'appui et parfois de territoires, les Européens ne parvinrent jamais à modifier en profondeur les structures culturelles de contrées dont la physionomie avait été modelée par des civilisations très anciennes. Ainsi le christianisme divisé perdra-t-il dès la fin du xviie siècle toute chance de se substituer aux religions traditionnelles, de les conquérir ou de les éliminer. Les ethnies européennes resteront confinées dans leurs postes militaires ou commerciaux, ne parvenant à se déployer que dans les zones « libres » de l'Afrique du Sud. Les techniques occidentales modernes resteront limitées aux relations intereuropéennes dans l'océan Indien demeuré, pour les Européens, vaste champ d'exploitation et non pas lieu de confrontation, de dialogue ou d'intégration. Dès le xviie siècle s'élabore le caractère politico-culturel de cet océan laissé pour sa plus vaste part et la moins « rentable » à sa vie traditionnelle, mais pris et enserré dans un réseau aux mailles diverses – également solides – d'intérêts étrangers.
Après le xviie siècle, l'histoire « indigène » de l'océan Indien se réduit à n'être plus que la continuation affaiblie et dégradée des rythmes de l'Antiquité : frustes navigations saisonnières, expéditions de piraterie, tentatives de résistance sans lendemain. Désormais, ce sont les Européens qui décident de l'histoire. Aux Portugais et aux Hollandais éliminés ou cantonnés succèdent les Français[...]
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Écrit par
- André BOURDE : professeur à l'université de Provence, directeur de l'Institut d'art
- Jean-Louis MIÈGE : professeur émérite d'histoire à l'université de Provence
Classification
Médias
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