HISTOIRE DE LA CLADISTIQUE (repères chronologiques)
1950 L'entomologiste allemand Willi Hennig (1913-1976) publie Grundzüge einer Theorie der Phylogenetischen Systematik, ouvrage dans lequel il propose une nouvelle méthode de reconstruction des relations de parenté entre les espèces fondée exclusivement sur les états apomorphes (évolués ou particuliers) des caractères (surtout morphologiques), ainsi qu'une classification hiérarchique qui reflète exactement ces relations de parenté : c'est la systématique phylogénétique. Cet ouvrage passe presque inaperçu au sein de la communauté des biologistes, sauf dans un cercle restreint d'entomologistes.
1962 E. Zuckerkandl et L. Pauling publient la première étude utilisant la distance génétique (c'est-à-dire la proportion de différences dans les séquences de nucléotides des génomes) pour dater l'apparition des taxons (groupes formels d'organismes biologiques). Cette méthode, la datation moléculaire, va connaître un essor considérable. Elle repose initialement sur l'hypothèse d'une « horloge moléculaire », selon laquelle la vitesse de changements dans les séquences d'ADN est constante chez tous les taxons.
1963 Le biologiste américain R. Sokal et le biologiste britannique P. H. A. Sneath introduisent l'expression « taxinomie cladistique (par allusion à la considération exclusive des clades) » pour désigner la systématique phylogénétique.
1965 Le biologiste américain E. Mayr, par dérision, appelle cladistes les partisans de la systématique phylogénétique, qu'il rejette fortement. Ce sobriquet aura un immense succès jusqu'à nos jours.
1966 Phylogenetic Systematics, traduction anglaise du livre de Hennig (en fait un nouveau texte écrit en 1961), assure la diffusion rapide de la systématique phylogénétique, surtout dans le monde anglo-américain. L'entomologiste suédois L. Brundin (1907-1993) applique la systématique phylogénétique à un groupe de Diptères et en tire des conclusions sur leur histoire biogéographique. C'est la naissance de la biogéographie phylogénétique.
1967 Le quatrième symposium Nobel (Current Problems of Lower Vertebrate Phylogeny), qui se tient à Stockholm du 12 au 16 juin, fait connaître, grâce à L. Brundin, la systématique phylogénétique à plusieurs jeunes spécialistes des Vertébrés, paléontologues et anatomistes, qui joueront un rôle décisif dans l'évolution de la biologie comparative au cours des deux dernières décennies du xxe siècle (R. S. Miles, C. Patterson, D. Goujet, N. Bonde, et surtout G. Nelson).
1968 Elementos de una Sistemática filogenética, traduction espagnole du livre de Hennig, publiée en Argentine et tombée dans l'oubli, est considérée par Hennig lui-même comme la traduction la plus fidèle de ses idées. Premier article appliquant la systématique phylogénétique à être publié en France (par l'entomologiste B. Serra-Tosio).
1969 Le biologiste américain A. Kluge et le statisticien américain J. Farris créent le premier algorithme de parcimonie (dit « algorithme de Wagner » ; en langage Fortran, sur cartes perforées) permettant l'analyse cladistique informatisée.
Hennig publie Stammesgeschichte der Insekten, où il développe ses idées sur la nomenclature biologique. Pour la première fois, il sépare nettement l'histoire des taxons de l'histoire des caractères. Il reconnaît ainsi trois types d'événements marquant l'évolution des groupes : l'apparition du premier ancêtre, l'apparition de caractères clés (tels que les glandes mammaires ou la fourrure chez les mammifères), et le début de la diversification du groupe (division en plusieurs lignées évolutives). Cette idée, pratiquement ignorée pendant deux décennies, deviendra influente par la suite.
1973 Le biologiste américain G. Nelson découvre la « panbiogéographie » qui a été développée[...]
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Écrit par
- Philippe JANVIER : directeur de recherche émérite au CNRS
- Michel LAURIN : directeur de recherche au C.N.R.S., U.M.R. 7207, Muséum national d'histoire naturelle, université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie
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