MÉDITERRANÉE HISTOIRE DE LA
Époque contemporaine
Les traités de 1815 vont, au-delà d'une simple restauration, créer un nouvel équilibre qui maintenait ce que la victoire avait apporté au Royaume-Uni, sans toutefois compromettre irrémédiablement les positions françaises, ce qui eût entraîné de nouveaux conflits.
Le duel franco-anglais et l'intervention russe
France et Grande-Bretagne poursuivaient depuis deux siècles, avec une semblable ténacité, une politique méditerranéenne. Le Royaume-Uni s'intéressait avant tout à la Méditerranée, voie de passage vers le Moyen-Orient et l'Extrême-Orient qui, prolongée par les pistes venant du golfe Persique, reliait l'Inde au marché anglais. Il tenait ferme à son influence à l'est sur la Turquie et à l'ouest sur l'Espagne, et avait patiemment jalonné la route de forteresses, escales pour ses navires et marchés de redistribution : Gibraltar acquis en 1713, Malte enlevée en 1800, les îles Ioniennes, enfin, que lui livrent les traités et qu'il conservera jusqu'en 1964 avant de les remettre à une Grèce quasi vassale. La France voit plus court. C'est un marché qu'elle entend garder en Méditerranée, et les Échelles du Levant et de Barbarie reçoivent de longue main ses toiles. C'est aussi un glacis : toute présence inamicale y menace directement ses côtes. Elle a pratiqué tenacement une double politique, familiale et d'amitié. Des Bourbons ont été installés et maintenus sur les trônes de Madrid et de Naples. Des traités ont été constamment renouvelés avec le Grand Seigneur. Dans ce duel intervient désormais aussi la Russie. Ses mobiles sont divers : l'expansion vers les mers libres, la mystique panslave, le besoin d'exporter les surplus des terres à blé d'Ukraine, récemment mises en culture. De nouveaux mouvements animent, en cette première moitié du xixe siècle, l'ensemble méditerranéen et compliquent le jeu diplomatique.
Permanences et mutations
Du fait de la raréfaction des échanges à long rayon, les tendances « cantonalistes » se sont renforcées, avec l'association plaine-montagne et les étroites navigations côtières. Les grands courants sont lents à reprendre, gênés par la conjoncture économique, les troubles politiques, les épidémies, les exploits des corsaires grecs. Dans les années 1835-1845, entre ces mondes en grande partie isolés les uns des autres, un réseau de larges relations va se former grâce au grand négoce, au développement de métropoles littorales, aux migrations.
Comme, d'une année à l'autre, la sécheresse peut brusquement juxtaposer ou faire succéder la pléthore à la pénurie, un vaste commerce frumentaire est nécessaire. Dans ce commerce du blé qui, par le passé, a fondé les rapports entre rives nord et sud de la Méditerranée, les marchés de la mer Noire, Odessa, Taganrog, prennent, entre 1831 et 1854, une importance décisive.
Les anciens fournisseurs sont progressivement ruinés, que ce soient ceux du Maghreb ou ceux des régions méridionales des péninsules européennes : Andalousie, Mezzogiorno. Le nouveau courant commercial a deux conséquences capitales : une crise au Sud, début d'un décalage économique croissant, d'où naîtra la question méridionale qui grèvera l'avenir de l'Italie, mais aussi – et corrélativement – la prospérité des entrepôts importateurs et redistributeurs du Nord. Ce temps de décadence méridionale voit s'établir les fondements des prochaines dominations économiques. Des pôles de développement se constituent dans les zones privilégiées des rivieras : Barcelone, Marseille, Gênes, dont les ports émergent d'une manière décisive dans les années 1825-1835. Ils deviennent les centres où transitent idées, produits et hommes de toute la Méditerranée.
Aux déplacements traditionnels des pèlerins vers les lieux saints d'Orient,[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- André BOURDE : professeur à l'université de Provence, directeur de l'Institut d'art
- Georges DUBY : de l'Académie française
- Claude LEPELLEY : chargé d'enseignement à l'université de Lille
- Jean-Louis MIÈGE : professeur émérite d'histoire à l'université de Provence
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
Classification
Médias
Autres références
-
ABOUKIR BATAILLE D' (1er août 1798)
- Écrit par Encyclopædia Universalis
- 504 mots
- 1 média
Appelée bataille du Nil par les Anglais, cette bataille est l'une des grandes victoires de l'amiral Nelson. Elle oppose le 1er août 1798 les flottes française et britannique dans la rade d'Aboukir, à proximité d'Alexandrie, en Égypte.
En février 1798, le général Bonaparte,...
-
AFRIQUE (Histoire) - Les décolonisations
- Écrit par Marc MICHEL
- 12 424 mots
- 24 médias
Au moment où la Libye accédait à l'indépendance et allait grossir les rangs du groupe afro-asiatique à l'O.N.U., les questions marocaine et tunisienne faisaient irruption sur cette même scène dans des conditions infiniment plus dramatiques. Les positions de départ avaient été clairement affirmées à... -
AFRIQUE ROMAINE
- Écrit par Noureddine HARRAZI et Claude NICOLET
- 9 564 mots
- 10 médias
La domination administrative et politique de Rome sur les diverses régions de l'Afrique du Nord (mis à part la Cyrénaïque et l'Égypte) s'étend sur près de six siècles : depuis la prise et la destruction de Carthage par Scipion Émilien (146 av. J.-C.) jusqu'au siège et à la...
-
AJACCIO
- Écrit par Bernard RAFFALLI
- 895 mots
- 2 médias
Chef-lieu de la collectivité territoriale de Corse et du département de la Corse-du-Sud, « cité impériale » ainsi que la nomment ses habitants, Ajaccio (67 007 hab. en 2012) occupe dans la partie sud-ouest de l'île les bords d'un des plus beaux golfes de la Méditerranée. La légende prétendait...
- Afficher les 120 références