POLICE FRANÇAISE HISTOIRE DE LA
Historiquement, la fonction de « police » trouve ses origines dans les premières cités-États, qui ont très vite compris la nécessité d'avoir des règles organisant la vie de la cité et les rapports entre les citoyens. Étymologiquement, le mot rappelle cette origine et le lien entre police et cité (polis), mais avec une acception extrêmement large et ambitieuse. Du grec politeia, qui désignait dans la Grèce ancienne tout ce qui avait rapport à la cité et à son gouvernement, des règles d'hygiène à l'ordre public, des problèmes d'approvisionnement (eaux, marchés) aux mœurs (prostitution) et à la religion, le mot « police » a perdu beaucoup de son sens pour finir par désigner les seuls règlements et les institutions chargés d'assurer l' ordre et la sécurité publics. En France, c'est à l' État qu'il appartient d'exercer cette mission considérée comme régalienne. Le parallèle établi entre la construction d'un État centralisé et celle d'un appareil policier au service du pouvoir y a conduit à une perception de la police bien différente de celle des pays anglo-saxons, où la police est d'essence essentiellement locale.
Or l'histoire même de l'institution montre que ce modèle français centralisé et étatique, son évidence et sa prétendue permanence constituent autant d'idées reçues. Non seulement il n'y a jamais eu une police, mais toujours des polices, et ces dernières ont constitué durant des siècles un enjeu permanent entre pouvoir central et pouvoirs locaux, au point qu'on ne peut guère parler d'un instrument policier étatique avant 1941, et que l'unification mise en œuvre depuis cette date laisse subsister une diversité qui caractérise la situation policière française, dont il convient de retracer les principales étapes.
La police sous l'Ancien Régime
Profusion et confusion ont longtemps caractérisé la police. À partir du Moyen Âge, souverains, seigneurs laïcs et ecclésiastiques, mais aussi communes, paroisses, prévôtés, quartiers, métiers, corporations, Châtelet, universités exercent concurremment des prérogatives de police inextricablement mêlées à des pouvoirs que nous appellerions de justice. Ils le font à l'aide de tout un personnel administratif et d'officiers aux dénominations et statuts divers, dont les fonctions et les pouvoirs se chevauchent dans une confusion qui perturbe l'historien au moins autant qu'elle a perturbé les contemporains.
C'est pourquoi la création, par un édit de mars 1667, de la lieutenance de police à Paris – elle deviendra lieutenance générale de police en 1674 – est traditionnellement présentée comme un acte fondateur. Prenant prétexte du meurtre du « lieutenant criminel » Tardieu – un des nombreux magistrats en charge de la police de Paris –, en août 1665, en son hôtel situé à l'emplacement de l'actuel quai des Orfèvres, Colbert réunit une commission chargée de réfléchir au « rétablissement du bon ordre et de la discipline » d'une capitale plus dangereuse, si l'on en croit Boileau, que « le bois le plus funeste et le moins fréquenté ». Généralement considéré comme l'acte de naissance de la police moderne, cet édit, même s'il ne concerne que Paris, constitue un moment important de l'histoire policière. En créant un magistrat unique, en charge de tout ce qui touche à la sûreté de la ville, en définissant précisément ses tâches et ses fonctions, en indiquant avec minutie ses domaines d'intervention, en séparant clairement les fonctions de police et de justice jusqu'alors étroitement liées, en plaçant ce magistrat – propriétaire de sa charge, mais révocable –, directement sous l'autorité du secrétaire d'État de la Maison du roi, Colbert et Louis XIV démontrent la [...]
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Écrit par
- Jean-Marc BERLIÈRE : professeur émérite à l'université de Bourgogne
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