- 1. Naissance d’une discipline autonome, émancipée de la philosophie
- 2. L’école allemande, fer de lance de la psychologie expérimentale
- 3. En France, l’école psychopathologique
- 4. Alfred Binet, psychologue de la mémoire, de l’attention et de l’intelligence
- 5. Une diversification des approches : l’émergence de nouveaux courants
- 6. L’âge d’or du comportementalisme
- 7. La révolution cognitive
- 8. Bibliographie
PSYCHOLOGIE HISTOIRE DE LA
Alfred Binet, psychologue de la mémoire, de l’attention et de l’intelligence
L’approche psychophysiologique de Charcot établissant un lien entre la neurologie et la psychologie se trouvait en opposition avec celle de Wundt centrée sur l’étude de sujets normaux entraînés aux procédures expérimentales de laboratoire. L’opposition des méthodes était manifeste et c’est le psychologue français Alfred Binet qui établira un lien entre ces deux écoles de pensée et initiera de la sorte une psychologie originale. Au cours des années 1880, Binet fut un collaborateur de Charcot à la Salpêtrière avant d’intégrer, avec le soutien de Ribot, le laboratoire de psychologie physiologique implanté dans les locaux de la Sorbonne et dirigé par Henry Beaunis depuis sa création en 1889. C’est au sein de ce laboratoire que Binet va développer la psychologie différentielle (appelée alors psychologie individuelle) en s’opposant au modèle germano-américain. Binet ne voit pas les différences individuelles comme des accidents, il les met au contraire au premier plan de la recherche. Inspiré par l’œuvre du philosophe Hippolyte Taine (1828-1893), il considère que les individus hors norme (grands calculateurs, romanciers de renom, etc.) sont des sujets d’étude privilégiés pour comprendre le fonctionnement mental humain, comme Ribot et Charcot considéraient les défaillances mentales (amnésies, aphasies, agnosies, etc.) comme une porte d’entrée pour l’étude des fonctions psychologiques normales. Pour Binet, les calculateurs mentaux professionnels ne sont pas des individus atteints d'une pathologie et souffrant de particularités cérébrales ; leur étude expérimentale apporte plutôt des éléments montrant l’importance de la mémoire et de l’ attention soutenue dans l’acte du calcul mental. Il va ainsi être à l’origine de l’étude expérimentale des fonctions mentales supérieures à une époque où les psychologues, tel Wundt, ne croyaient pas à la possibilité d’une telle démarche. C’est ainsi qu’il développe une approche originale de la psychologie scientifique de la mémoire initiée par Ebbinghaus en 1885 en proposant la fondation d’une science du témoignage basée sur des expériences de laboratoire dont les œuvres ultérieures de Frederic Bartlett (1886-1969), Solomon Asch (1907-1996) et Elizabeth Loftus lui sont redevables. Un autre exemple, et non des moindres, est fourni par l’étude de l’ intelligence. Après les tentatives infructueuses, entre autres de Francis Galton (1822-1911) et des psychologues américains tel James McKeen Cattell, de mettre en place des tests d’intelligence valides, Binet montre la possibilité de mesurer l’intelligence à l’aide d’épreuves impliquant non pas seulement les processus perceptifs, mais plutôt les fonctions supérieures de l’esprit. En 1896, il souligne : « Dans la plupart des cas, sauf anomalies maladives, les différences individuelles pour les sensations sont très faibles et insignifiantes par rapport aux facultés supérieures… ce sont les facultés psychiques supérieures qu’il faut étudier. » À la faveur de la demande sociale liée au recrutement pour les écoles spéciales d’ enfants intellectuellement retardés, Binet propose avec Théodore Simon (1873-1961) en 1905 la première version d’un test d’intelligence qui connaîtra un succès considérable au cours des années suivantes en France et à l’étranger. Ce test ne sera supplanté au cours du xxe siècle que par ceux développés par David Wechsler (1896-1981), connus aujourd’hui dans le monde entier.
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Écrit par
- Serge NICOLAS : professeur de psychologie, université de Paris-V-René-Descartes
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