HISTOIRE DES GAUCHES EN FRANCE (dir. J.-J .Becker et G. Candar)
Plus de 1 300 pages consacrées aux gauches en France, explorant ses hommes, ses idées, ses projets et ses politiques sur plus de deux siècles, des contributions présentées par plus de quarante spécialistes des diverses disciplines des sciences sociales... L'Histoire des gauches en France (La Découverte, Paris, 2004), dirigée par Jean-Jacques Becker et Gilles Candar, impressionne et constitue un intéressant pendant à l'Histoire des droites en France, publié en 1992 sous la direction de Jean-François Sirinelli. La simplicité de l'écriture et la relative brièveté des articles rendent la lecture aisée, souvent passionnante et libre dans la mesure où le lecteur peut suivre un thème ou une idée, ou encore se laisser tenter par un groupe ou un événement méconnu.
Deux tomes structurent cette synthèse. Le premier est consacré à « l'héritage du xixe siècle » et interroge les origines de la gauche et de la droite, car selon Maurice Agulhon ces deux notions font système. Elles « ne se définissent pas par des contenus de programmes mais par des constantes de positionnement dans des affrontements variables de programmes ». Cet angle non essentialiste, inégalement suivi par les auteurs, initie une lecture centrée sur le caractère perméable des frontières entre la droite et la gauche et, au sein des gauches, sur le processus lent de leur différenciation ainsi que sur les passages et les passeurs qui font exister ces dernières. On peut retrouver les premiers pas d'une gauche « gouvernementale », à la fin du xviiie siècle, dans les Assemblées révolutionnaires. Cette gauche, qu'on pourrait qualifier d'institutionnelle et dont les manuels font l'histoire, n'est pas analysée en dehors d'autres types de rassemblement et de construction de la gauche : les clubs, les sociétés secrètes, les syndicats ou les phalanstères constituent autant de lieux de socialisation et d'apprentissage des pratiques et des idées qui deviennent celles de la gauche.
L'héritage du xixe siècle ne passe pas sous silence des pratiques politiques dont l'illégitimité apparaît aujourd'hui entière mais qui ont contribué à façonner les gauches. De l'insurrection aux émeutes, des barricades aux actions violentes anarchistes, le spectre des moyens d'action des gauches est largement passé en revue. Une grande partie de ce premier volume tente de faire le point sur les rapports de la gauche avec certaines idées, débats ou politiques mises en œuvre.
L'héritage semble parfois ne pas faire débat au sein des gauches du xxe siècle – le suffrage universel, la liberté de la presse – quand sur d'autres questions l'ambivalence l'emporte – la religion, les juifs, la nation, la colonisation. Du peu connu club républicain des ouvriers alsaciens aux figures canoniques (Jules Guesde, Jean Jaurès), ce premier tome propose une vaste fresque de la gauche. Une forte inscription dans l'histoire sociale aurait permis d'insister également sur les révoltes et les modes d'action d'ouvriers en lutte et les solidarités ainsi créées ou bien sur les transformations des métiers et des professions. Or l'héritage ou la mémoire renvoient aussi à ces luttes éparses et localisées qui contribuent, à leur façon, à structurer des « traditions » militantes ou des électorats.
Le tome suivant reprend le fil de l'histoire au tout début du xxe siècle, moment où, en France, la « gauche est alors confrontée à l'exercice du pouvoir ». Il s'ouvre sur un panorama des « peuples de gauche ». Socialistes, communistes, féministes, mendésistes ou gauche radicale composent pour partie ces gauches et font l'objet d'utiles synthèses solidement référencées. Ne pas réduire les différents groupes aux partis politiques qui les représentent a toute sa pertinence car cette ambition permet le plus souvent de[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Benoît VERRIER : docteur en science politique, chercheur associé (contractuel) au Groupe de sociologie politique européenne, I.E.P. de Strasbourg
Classification