SOCIALISME Histoire des mouvements socialistes (1870-1914)
De 1870 à 1914, le mouvement socialiste est, dans son ensemble, « ascendant ». Au moment de la guerre franco-allemande et de la Commune, il n'existait guère, nulle part, comme force organisée. En 1914, au contraire, il était, du moins dans le monde occidental et en Europe centrale, partout présent et il jouait un rôle politique souvent important. Ces progrès sont en relation étroite avec le développement de l'industrie et, partant, avec l'accroissement de l'influence du monde du travail. Ils sont aussi plus ou moins étroitement liés à la démocratisation de plus en plus poussée des institutions, et notamment à l'acquisition du suffrage universel, de même qu'au développement de l'instruction primaire, voire de la laïcisation de l'État et de la vie publique.
Le deuxième caractère du mouvement est sa dispersion et son manque d'unité doctrinale. Certes, après 1870, et surtout après 1880, le marxisme a sérieusement progressé, mais le révisionnisme de Bernstein, l'ample synthèse de Jaurès, le pragmatisme anglo-saxon ou scandinave sont pour lui des obstacles pratiquement infranchissables. Ces divergences de vue peuvent s'expliquer par les histoires nationales, mais aussi par les différents degrés d'intégration de la classe ouvrière à la société « bourgeoise », l'attitude des gouvernements, le niveau de culture et la variabilité des conditions économiques. Aussi la IIe Internationale, malgré son immense prestige, n'est-elle guère qu'une « autorité morale ».
Enfin, le socialisme, dont le développement en Asie devrait par la suite étonner, fut d'abord un fait européen. Il n'a jamais réussi à s'implanter sérieusement aux États-Unis et au Canada. Il a par contre fortement inspiré les luttes anticoloniales et a pu longtemps passer pour une référence obligée des pays du Tiers Monde.
Marxisme et réformisme en Europe industrielle
Les pays de l'Ouest européen, avec quelques réserves pour l'Allemagne, ont, dans leur ensemble, connu un destin commun. L'unité nationale y est assurée, les institutions libérales, voire démocratiques, y ont triomphé d'une façon que l'on peut juger définitive. Au point de vue social, la féodalité a disparu depuis au moins trois quarts de siècle ; et les intérêts agraires reculent devant ceux de l'industrie et du commerce. Le mouvement syndical, généralement organisé parallèlement au socialisme, y joue un rôle de plus en plus efficace. Aussi le socialisme, tôt créé, est-il, en 1914, une des composantes de la vie politique de ces pays. D'une façon générale, sa puissance n'a fait que croître entre 1870 et 1914.
Ces considérations donnent au socialisme de l'Europe occidentale une coloration particulière. Il existe une tentation permanente de « réformisme » ; les oppositions continuelles entre « réformistes » et « révolutionnaires » furent à la source de conflits internes parfois graves. Le triomphe de la pensée marxiste n'y fut jamais complet.
Étant assez rapidement devenus une composante de l'État démocratique, les partis socialistes se sont rapidement trouvés en présence du problème du soutien, voire de la participation, à des gouvernements bourgeois. Or, en Europe occidentale, à la fin du xixe siècle et surtout au début du xxe, l'axe politique incline vers le centre gauche (libéraux anglais, radicaux-socialistes français, radicaux danois) et les partis au pouvoir mènent une politique d'action démocratique et sociale (et subsidiairement anticléricale, dans les pays « catholiques »). Faut-il soutenir ? participer ? C'est la question essentielle, qui, avec des fortunes diverses, est discutée dans tous les congrès, nationaux ou internationaux.
Formation du Labour Party
Le travaillisme anglais est étroitement lié au syndicalisme. Jusqu'en[...]
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Écrit par
- Daniel LIGOU : professeur à la faculté des lettres de Dijon
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