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HISTOIRE DES SCIENCES ET DES SAVOIRS (dir. D. Pestre)

Que raconte l’histoire des sciences ? Au fil du temps et au gré des auteurs, cela a été le récit de l’émergence des technologies et des connaissances modernes, scandé par quelques découvertes et quelques personnalités majeures. Cela a été le récit d’une quête de la vérité du monde et de la connaissance, où le scientifique voudrait bien se substituer au religieux voire en être l’antidote. L’histoire des sciences a pu aussi se confondre avec la description d’un édifice historique construit en permanence à partir de composantes hétérogènes : recherches, voyages, observations, commerce, collectionneurs, professionnels et amateurs, industriels, financiers, etc. Dans ce cadre, on ne peut penser la recherche spatiale, par exemple, au travers de ses seuls intentions et résultats, sans inclure ce qui relève de l’industrie, de l’armée, des guerres, de l’économie, ou encore de l’imaginaire. Dans cette perspective, le « scientifique » se révèle alors un acteur social parmi les autres, soumis à des contraintes et des tensions en tous genres. Un tel récit devient indissociable du mouvement qui traverse toute société, à toute époque. Le corollaire de ce choix est que la science est indissociable des savoirs qui la précèdent, l’englobent voire la transforment : c’est alors le temps non seulement du savant, mais celui de l’expérimentation empirique de la forge, du médicament, des amateurs, etc., pour citer quelques exemples de situations et d’acteurs. Enfin, savoirs et sciences ne se déploient et ne se légitiment qu’au travers de l’imaginaire et de l’outil.

Une approche multicentrique

Ces éléments associés les uns aux autres au sein d’une société, comment les étudier sans « trop déchirer ou dénaturer » le tissu qu’ils composent ? Une approche multicentrique susceptible cependant de définir une histoire des sciences constitue l’esprit des sciencestudies qui jouent actuellement un rôle dominant dans la discipline. Elle est au cœur de la démarche de cette Histoire des sciences et des savoirs (Seuil, 2015), rédigée et organisée sous la direction de Dominique Pestre. L’approche se fait à travers l’étude d’une série de questions qui se déploient dans le temps et souvent dans des espaces géographiques qui dépassent largement l’Europe et ses alentours. Par exemple, des changements dans la conception de la nature étudiés dans le remarquable article « Philosophie de la nature et philosophie naturelle (1500-1750) », écrit par Lorraine Daston.

Soixante articles sont ici rédigés par au moins soixante collaborateurs sans, évidemment, que l’on parvienne à un résultat exhaustif. In fine, le lecteur dispose d’un ensemble d’environ 1 500 pages, réparties en trois volumes : 1. De la Renaissance aux Lumières (dirigé par Stéphane Van Damme) ; 2. Modernité et globalisation (dirigé par Kapil Raj et H. Otto Sibum) ; 3. Le Siècle des technosciences (dirigé par Christophe Bonneuil et Dominique Pestre). Cette partition en trois ensembles pose quelques problèmes, par ailleurs assumés. Ainsi, commencer cette Histoire à la Renaissance pourrait signifier implicitement que la science au sens moderne du terme trouve là toute son origine. Mais cet implicite est démenti par les articles du premier volume qui soulignent la persistance et le mélange de notions « anciennes et modernes » au moins jusqu’au milieu du xviiie siècle, ce qui relativise la critique.

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Écrit par

  • : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur

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