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HISTOIRE DES SCIENCES ET DES SAVOIRS (dir. D. Pestre)

De la Renaissance à la « science gouvernante »

Le premier volume étudie d’abord les figures de la science d’observation puis des sciences expérimentales naissantes, en faisant la part belle à l’assouvissement de la curiosité collective que permettent les cartographes, les marins, les voyages et les commerçants ou encore les missionnaires. La mise en scène des connaissances tient ici une grande place et permet de montrer leurs modalités de diffusion. L’emprise des États se précise à travers la double action des académies et de l’industrie. Le deuxième volume traite de la période de 1750 à la Grande Guerre : c’est l’époque pendant laquelle on assiste à une sorte de mondialisation des savoirs avec, comme conséquence, la rencontre entre des modalités de connaissances qui s’étaient développées largement en dehors des modalités européennes. Plus précisément, les textes relatifs à l’Inde et au Japon se révéleront particulièrement novateurs pour un lecteur français. Cette période est marquée par une globalisation qui voit les sciences s’affirmer et s’écarter des savoirs traditionnels, et surtout des « humanités ». Le temps des sciences gouvernantes est proche, ce dont traite le troisième volume. On y aborde des domaines mieux connus, peut-être précisément parce que la science et ses images sont devenues omniprésentes, publiques et dominatrices. Elles envahissent jusqu’au social et l’économie. La perspective foucaldienne du biopouvoir tient une grande place dans ces contributions. Le panorama du troisième volume décrit ainsi un triomphe de la science gouvernante, avec cependant des articles (comme celui de Linda Nash) suggérant que ce pourrait aussi être un triomphe de la mort.

Cet ensemble est remarquable, et la plupart des articles méritent une lecture attentive. L’écriture de l’ensemble en est claire, ce qui rend l’ouvrage accessible. Au lecteur de trouver son chemin et son bonheur parmi ces soixante articles, ce qui constitue en même temps une limite de l’entreprise : car, en dépit de l’agencement remarquable des volumes, ces textes seront sans doute lus indépendamment les uns des autres…

Ce sont là des remarques mineures par rapport aux bénéfices intellectuels qu’apporte cet ouvrage. La critique majeure est d’une autre nature. En mettant l’accent sur les « fabriques » de la science, sur ses conditions d’émergence, on oublie ce qu’en est le contenu. En effet, une somme de connaissances scientifiques prend valeur d’exact sinon de vrai, et ne se situe donc pas dans les catégories de domination et de gouvernance qui constituent l’architecture de ces volumes. Cette histoire des sciences-là possède des notions, des théories, des concepts solides en eux-mêmes et qui influencent profondément les cultures non scientifiques. Ce n’est clairement pas le but des auteurs de cet ouvrage que de reprendre le contenu propre des sciences. Dont acte. Il n’en reste pas moins qu’une nouvelle « histoire des sciences et des savoirs » manque terriblement, qui serait éclairée par les mouvements complexes révélés par les sciencestudies.

— Gabriel GACHELIN

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Écrit par

  • : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur

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