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HISTOIRE (Domaines et champs) Histoire des relations internationales

L'histoire des relations internationales occupe une place relativement importante dans l'historiographie et la recherche. Certes, dans chaque pays, l'histoire nationale implique davantage de chercheurs, produit plus de publications et attire plus de lecteurs. Pourtant, les questions internationales font irruption dans l'espace public, notamment lors des nombreuses crises et guerres. Le travail des médias, qui est de décrire ces grands drames, crée de l'émotion immédiate. Il est dommage alors que les historiens, aptes à fournir des explications sur ces questions, ne soient pas davantage lus et écoutés. Lorsque le président George W. Bush, à la veille de l'intervention militaire américano-britannique en Irak en 2003, a annoncé que l'instauration de la démocratie par les forces d'occupation connaîtrait le même succès qu'en Allemagne et au Japon après 1945, un groupe d'historiens de diverses nationalités protesta contre le mauvais usage de la comparaison historique (Financial Times, 11 mars 2003) et exprima son pessimisme par rapport à la suite des opérations. Les historiens se méfient des leçons simplifiées de l'histoire et préfèrent développer une réflexion historique qui contextualise et mette en perspective la globalité des interactions induites par les rapports entre les peuples. Leur apport consiste donc à penser la complexité des relations internationales. Ils sont aidés en cela par une révolution historiographique qui s'est produite au début des années 1960.

De l'histoire diplomatique à l'histoire des relations internationales

À l'origine est l'histoire diplomatique. En France, elle a pour fondateurs Albert Sorel (1842-1906) et Albert Vandal (1853-1910), professeurs à l'École libre des sciences politiques, qui ont une conception statocentrée des relations internationales, c'est-à-dire considérées exclusivement comme des relations interétatiques. La vision qu'ils en ont se rattache au « réalisme normatif » pour lequel l'intérêt national est à la fois une réalité et une norme, défendu par chaque État dans la longue durée, quelle que soit l'idéologie des gouvernements. La recherche privilégie alors l'histoire événementielle, celle des grands hommes et des négociations entre chancelleries. Mais l'École des Annales discrédite ce type d'histoire diplomatique, dès 1931 avec Lucien Febvre (1878-1956) puis, après la Seconde Guerre mondiale avec Fernand Braudel (1902-1985) pour qui les événements spectaculaires contés par les historiens de la diplomatie ne sont que « simple agitation de surface » ou « poussière de faits-divers ».

C'est dans ce contexte intellectuel que Pierre Renouvin (1893-1974) opère un tournant épistémologique dans la discipline. Jeune agrégé en 1912, il s'intéresse d'abord à l'histoire nationale puis, grièvement blessé en 1917, il s'investit dans l'étude de ce bouleversement mondial et traumatique qu'a été la Grande Guerre. En 1931, la même année où Lucien Febvre critique l'histoire diplomatique, Renouvin esquisse une orientation nouvelle dans un article rédigé dans la Revue historique : à ses yeux, la consultation des seuls documents diplomatiques des différents pays ne suffit pas, car ils reflètent mal les « forces qui agitent le monde ». En 1934, dans son livre sur La Crise européenne et la Grande Guerre (1904-1918), il précise sa pensée en parlant des « forces profondes » qui orientent, dans une large mesure, les actions politiques ; elles sont « „spirituelles“ et „matérielles“ : mouvements d'idées et tendances de la psychologie d'une part ; d'autre part intérêts économiques ». Vingt ans plus tard, en 1953, dans l'introduction générale à la collection Histoire des relations internationales (huit volumes parus de 1953 à 1958), Renouvin explique et légitime[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire des relations internationales à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

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