HISTOIRE (Domaines et champs) Histoire des relations internationales
L'école française
Depuis 1964, les historiens français des relations internationales ont, pour l'essentiel, vécu sur l'héritage de Renouvin et de Duroselle, tout en renouvelant certaines problématiques.
Du côté des « forces profondes », ce sont les facteurs économiques qui, dans les années 1960 et 1970, ont le plus retenu l'attention des chercheurs. Il s'agissait de mesurer leur rôle dans la formation des hégémonies ou des impérialismes (coloniaux ou non) et dans le déclenchement de la Première Guerre mondiale. Le questionnement marxiste était alors prégnant dans le champ intellectuel français. Il est toutefois intéressant de noter que les conclusions de ces études (Raymond Poidevin, Pierre Guillen, Jean-Claude Allain, René Girault) ont finalement contribué au déclin du marxisme parmi les historiens français. Elles affirmaient en effet que, si les impérialismes européens ont bien existé avant 1914, s'ils ont contribué à détériorer les relations internationales, ils n'ont pas été « le stade suprême du capitalisme » et n'ont pas mené à la guerre en 1914. Ainsi, l'économie ne doit pas seulement être analysée comme facteur dans la chaîne des causalités, mais également comme instrument au service des finalités politiques des États. Ce retournement de la problématique permet de mesurer le poids de l'économie dans les buts de guerre de 1914 à 1918 (Georges Henri Soutou), dans les tensions politiques des années 1920 à propos des réparations allemandes ou des dettes de guerre interalliées (Jacques Bariety, Denise Artaud), dans les enjeux du réarmement des années 1930 (Robert Frank), dans la reconstruction et la construction de l'Europe au temps du plan Marshall (Gérard Bossuat). Par ailleurs, les recherches les plus récentes portent sur les acteurs économiques et les entreprises qui n'ont pas nécessairement des logiques nationales et qui créent des liens de sociabilité et des réseaux transnationaux ou transeuropéens (Éric Bussière, Laurence Badel).
Le poids sur les relations internationales de ce que Pierre Renouvin appelait les « forces spirituelles », c'est-à-dire les mentalités et les opinions publiques , a été aussi très étudié. Le champ même a été renouvelé au contact des travaux des sociologues (Marcel Mauss, Maurice Halbwachs, et, plus récemment, Bronislaw Baczko, Denise Jodelet) et de l'historien Pierre Laborie (L'Opinion française sous Vichy. Les Français et la crise d'identité nationale 1936-1944, 2001). Désormais, les historiens des relations internationales raisonnent sur les opinions en les replaçant dans le contexte des systèmes de représentations et des imaginaires sociaux (R. Frank), afin d'éclairer selon un angle différent la problématique classique de « l'image de l'Autre » et de son influence sur la politique extérieure. En particulier, ils mesurent le poids de la représentation de l'avenir – espéré ou redouté – dans le façonnement des imaginaires et la prise de décisions pendant la Seconde Guerre mondiale ou la guerre froide.
De même, le rapport entre culture et relations internationales intéresse les historiens français ( Pierre Milza et la revue Relations internationales, n0 24 et n0 25 sur « Culture et relations internationales », 1980). Deux sortes de recherches sont conduites : celles qui portent sur l'action culturelle des États, la diplomatie culturelle ; celles qui, dans le sillage des travaux de Michel Espagne et de Michael Werner (Transferts. Les relations interculturelles dans l'espace franco-allemand, XVIIIe-XIXe siècles, 1988), traitent des « transferts culturels » d'une société à une autre sans la médiation étatique.
Du côté des processus de décision, de nombreuses études ont été réalisées dans le prolongement de Duroselle. L'histoire militaire traditionnelle[...]
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Écrit par
- Robert FRANK : professeur d'histoire des relations internationales à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
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