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HISTOIRE (Domaines et champs) Histoire des relations internationales

Les écoles en Europe et en Amérique

En Italie, les débats ont été importants entre Mario Toscano, le tenant de l'histoire diplomatique classique, et Federico Chabod, qui a inspiré Renouvin par ses réflexions sur les rapports entre l'opinion publique et la politique extérieure. Chabod a ouvert la voie à la constitution de l'« école de Milan » autour de Brunello Vigezzi. La question de l'idéologie attire évidemment l'attention de ceux qui s'intéressent à l'histoire du fascisme et, donc, à la politique extérieure de Mussolini (Rodolfo Mosca, Luigi Salvatorelli, Gaetano Salvemini). L'héritage de Mario Toscano n'est pas pour autant rejeté, mais il s'agit d'une histoire totalement renouvelée tant à Florence par Ennio Di Nolfo qu'à Rome par Pietro Pastorelli.

En Allemagne, les débats historiques se sont longtemps polarisés autour de la question de la primauté de la politique extérieure sur la politique intérieure ou inversement. Pour Leopold von Ranke, historien du xixe siècle, les relations d'un pays avec l'étranger conditionnaient la vie politique intérieure. En 1961, un retentissant ouvrage de Fritz Fischer sur les responsabilités allemandes dans le déclenchement de la Première Guerre mondiale inverse la perspective : les facteurs internes – intérêts de l'état-major, du régime politique, des classes dirigeantes – conditionnent l'élaboration de la politique extérieure. Cette problématique s'inverse à nouveau à partir de la fin des années 1960, lorsque des historiens comme Andreas Hillgruber, Klaus Hildebrand, Hans-Peter Schwartz, à partir d'analyses minutieuses dans les archives de divers pays, reviennent à la notion de primauté de la politique extérieure pour expliquer la politique intérieure allemande, en particulier celle d'Adolf Hitler. La réaction ne tarde pas, avec l'école de Bielefeld qui, très critique à l'égard de l'histoire diplomatique, met en avant, sous l'impulsion de Jürgen Kocka et de Hans-Ulrich Wehler, les conditions internes de la société allemande pour expliquer la politique extérieure du pays. Durant les années 1980 et 1990 apparaissent de nouvelles thématiques : les processus de décision, les facteurs psychologiques et économiques, les forces transnationales, l'environnement, les échanges et les transferts culturels, ainsi que le colonialisme allemand (Josef Becker, Eberhard Jäckel, Wolfgang Michalka, Klaus-Jürgen Müller, Hans-Jürgen Schröder, Berndt Jürgen Wendt, Jost Dülffer). Ces travaux vident de son contenu la querelle sur la primauté de la politique intérieure ou extérieure afin de mieux analyser les interférences entre celles-ci (Wolfram Kaiser). Enfin, grâce à la tradition de l'histoire sociale comparée, l'histoire de l'Europe est renouvelée. Les travaux d'Hartmut Kaelble recherchent les convergences qui ont conduit au développement d'une société européenne spécifique, différente des autres sociétés industrielles et développées.

Au Royaume-Uni, le pragmatisme de la recherche l'emporte sur le débat idéologique, sans toutefois empêcher une réflexion méthodologique approfondie. Le pionnier, Arnold Toynbee, a toujours insisté sur la nécessité de s'intéresser aux autres champs de la recherche historique et de ne pas se limiter à la perspective nationale, afin d'écrire une authentique histoire internationale. Les successeurs, comme James Joll ou Donald C. Watt, s'intéressent particulièrement aux processus de décision, en introduisant les apports de l'histoire politique et culturelle. Dans le sillage d'Edward H. Carr qui, des années 1930 aux années 1960, avait développé des considérations théoriques sur la société internationale à partir des facteurs sociaux et culturels, des historiens comme Herbert Butterfield et Martin Wight ([...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire des relations internationales à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

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