- 1. La genèse et le développement de l'histoire économique
- 2. L'« ère labroussienne » en France
- 3. Le déclin des années 1970-1980
- 4. La « New Economic History » (ou cliométrie) et son impact limité
- 5. De la « Business History »à l'histoire des techniques
- 6. Vers une histoire sociale, culturelle et politique de l'économie
- 7. Vers une histoire économique du social, de la culture et du politique
- 8. Bibliographie
HISTOIRE (Domaines et champs) Histoire économique
Le déclin des années 1970-1980
Plusieurs facteurs se combinent pour rendre compte du déclin de l'histoire de type labroussien. Tout d'abord, on constate le retour de balancier idéologique des années 1970-1990, marqué par le reflux du structuralisme et du marxisme dans l'univers intellectuel des sciences sociales. Ensuite, l'histoire globale est remise en cause même par des historiens proches des Annales, au profit d'un quasi-éclatement des approches, privilégiant le local ou la micro-histoire, comme en témoignent les analyses précoces de Jean-Claude Perrot (« Rapports sociaux et villes au xviiie siècle », in Annales E.S.C., 1968) ou de Pierre Nora dans le recueil collectif Faire de l'histoire. De même, rançon des succès obtenus, les filons déjà explorés s'épuisent, notamment sur l'histoire des prix du blé aux xviiie et xixe siècles. En outre, les travaux labroussiens montrent peu d'intérêt pour le xxe siècle. De surcroît, les effets du Linguistic Turn – courant anglo-saxon qui réduit toute source aux représentations de ses auteurs et réfute ainsi l'idée même de réalité historique – mettent en doute, parfois de manière radicale, les prétendues réalités prédéfinies dans les catégories sociales ou statistiques telles que les labroussiens les utilisent. Enfin, l'histoire voit l'émergence de nouveaux objets, tels que le retour de l'événement, du fait singulier, du politique, de l'acteur et de l'individu (développement de la microstoria) ; et, aussi, les historiens manifestent un intérêt grandissant pour les marges, les groupes marginaux, les formes de mobilité sociale...
Le terrain se trouve alors occupé par d'autres formes d'histoire : la démographie historique, l'anthropologie historique, l'histoire des mentalités, des représentations, de la mémoire, puis la Gender History, l'histoire culturelle... En outre, parmi les héritiers directs de Labrousse, certains, tels Jean-Claude Perrot, Daniel Roche, Adeline Daumart, Rolande Trempé ou Yves Lequin, veulent rendre autonomes l'histoire sociale ou encore l'histoire urbaine par rapport à l'histoire économique et s'intéresser, indépendamment de toute hiérarchisation préalable, aux groupes sociaux de la modernité, aux nouvelles communautés, aux formes de sociabilités, etc.
Même au Royaume-Uni, l'histoire économique, malgré le poids de l'Economic History Society et l'impact de l'Economic History Review, connaît un certain déclin dans les années 1980, comme en témoigne l'ouvrage de David Coleman History and the Economic Past (1987). Cette vulnérabilité est sans doute accentuée par le fait que l'histoire économique est enseignée dans des départements autonomes, distincts des départements d'histoire ou de sciences économiques. Deux formes de renouvellement de l'histoire économique interviennent cependant dans les pays anglo-saxons dans les années 1960-1970 : la New Economic History et la Business History. Mais elles manifestent, tout au moins pour la première, assez rapidement leurs propres limites.
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Écrit par
- Michel MARGAIRAZ : professeur d'histoire contemporaine à l'université de Paris-VIII
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Média
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