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HISTOIRE (Domaines et champs) Histoire économique

La « New Economic History » (ou cliométrie) et son impact limité

On nomme cliométrie les travaux visant à appliquer l'économétrie à l'histoire, en d'autres termes à proposer des études d'économétrie rétrospective. Il s'agit de partir d'un modèle économique théorique explicite fondé sur des fonctions algébriques combinant plusieurs variables. Le modèle est testé à l'aide de données quantitatives historiques puisées dans des séries chronologiques relatives aux variables (Ralph Andreano, 1977). Les travaux pionniers sont ceux de Robert Fogel qui, dès les années 1960, publie des recherches sur le rôle des chemins de fer dans la croissance économique américaine. Il recourt à des hypothèses contrefactuelles – qu'aurait été la croissance américaine sans... ? – pour calculer la croissance américaine sans la présence des chemins de fer. De même, il publie des travaux sur le rôle de l'esclavage dans l'économie du sud des États-Unis ou encore sur celui de la machine à vapeur dans la croissance britannique. Dès lors, les historiens en viennent à calculer la contribution exacte de cette variable parmi toutes celles qui sont présentes dans la fonction censée figurer la croissance. Par-delà la diversité des travaux de la New Economic History, trois critiques principales ont pu être formulées à son encontre. Tout d'abord, le recours à une histoire contrefactuelle est peu admis par les historiens. Ce sont d'ailleurs souvent des économistes qui, dans les universités de sciences économiques, mènent ces recherches. Ensuite, l'usage répété de données statistiques quantitatives, sans toujours manifester un recul critique suffisant quant à leur mode d'élaboration, peut poser problème. Enfin est remis en question l'emploi fréquent de modèles économiques néo-classiques, qui partent d'hypothèses induisant le sens des interprétations, en particulier en définissant a priori le comportement des acteurs, supposés agir de manière rationnelle et informée dans des marchés supposés parfaits.

Ces travaux recueillent néanmoins un vif succès au Royaume-Uni, en Espagne – et de là, dans le monde hispanophone d'Amérique latine – ou encore en Italie, où l'histoire économique, enseignée dans les universités de sciences économiques, subit une forte influence anglo-saxonne. En revanche, elle ne connaît guère d'échos en France, où la séparation demeure entre historiens et économistes, à l'exception de quelques travaux isolés des statisticiens Jean-Jacques Carré, Paul Dubois et Edmond Malinvaud (La Croissance française, un essai d'analyse économique causale de l'après-guerre, 1972) ou de l'historien Maurice Lévy-Leboyer et de l'économiste François Bourguignon (L'Économie française au XIXe siècle. Analyse macro-économique, 1985). En outre, les critiques se multiplient aux États-Unis dès les années 1980, qui voient alors le reflux de ce courant outre-Atlantique.

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Écrit par

  • : professeur d'histoire contemporaine à l'université de Paris-VIII

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