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HISTOIRE (Domaines et champs) Histoire économique

Vers une histoire sociale, culturelle et politique de l'économie

Le renouvellement des approches s'opère à travers l'étude de périodes plus récentes, ainsi que par le dialogue ravivé entre l'histoire économique et les autres sciences sociales.

Depuis les années 1990, les nouveaux travaux résultent, pour une grande part, des débats engagés dans certaines revues (Annales H.S.S., Genèses, Histoire et mesure, Entreprises et histoire, Le Mouvement social, Revue d'histoire moderne et contemporaine...) avec plusieurs des courants eux-mêmes renouvelés des autres sciences sociales, en particulier l'économie, la sociologie, le droit, la gestion ou les sciences politiques.

Banque de France - crédits : J. Derennes/ Photo Banque de France

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On peut schématiquement distinguer quatre problématiques. En premier lieu, la sociologie et l'économie des organisations offrent des concepts et des méthodes pour rénover l'histoire des entreprises en s'attachant à l'histoire de la gestion, du management, de la recherche ou de la formation par le dépassement du cadre micro-économique de l'entreprise individuelle (Patrick Fridenson, « Un nouvel objet : les organisations », in Annales E.S.C., nov.-déc. 1989). En deuxième lieu, les débats sur le Linguistic Turn conduisent économistes et historiens de l'économie, par un véritable retournement méthodologique, à étudier la construction historique des catégories statistiques elles-mêmes (Robert Salais, Nicolas Baverez et Bénédicte Reynaud, L'Invention du chômage, 1986) ou celle des catégories socio-professionnelles (Alain Desrosières et Laurent Thévenot, 1988), et à s'intéresser à l'histoire même des travaux et des services statistiques. En troisième lieu, en s'appuyant sur certains travaux d'économistes et de sociologues, des recherches historiques traitent de différentes institutions sociales, économiques et financières majeures telles que les conseils de prud'hommes, l'Office du travail, les chambres de commerce au xixe siècle, la Banque de France, la Caisse des dépôts, le Conseil national économique, les ministères économiques et sociaux... Les institutions ne sont alors pas seulement conçues comme des acteurs supplétifs lorsque le marché est défaillant, mais bien comme des organisations à part entière avec leurs structures, leurs personnels, leurs pratiques, leurs traditions et leurs cultures propres, qui s'imbriquent dans une histoire plus large, économique mais aussi politique, sociale et culturelle. Loin de s'opposer à la constitution des marchés (des produits, des services ou de l'argent), ces institutions forment souvent des cadres nécessaires à leur construction, voire à leur bon fonctionnement. En dernier lieu, les travaux des économistes sur la théorie des jeux ou encore ceux qui relèvent de l'économie des conventions (Laurent Thévenot et Luc Boltanski, 1991 ; Robert Salais et Michael Storper, 1993) incitent des historiens à renouveler l'histoire des acteurs économiques et des produits. Dans ce dernier cas, aborder les différents acteurs (chefs d'entreprise, salariés, sous-traitants, consommateurs...) à travers les relations et les accords qu'ils nouent autour du travail, des produits et des marchés selon des normes et des savoirs communs conduit à redécouper les frontières entre l'économie, la société et ses dynamiques. Cela a permis de revivifier des histoires de produits et de marchés qui, eux-mêmes, sont alors conçus comme des constructions sociales en situation. En y intégrant l'action publique, ces recherches incitent également à dépasser l'opposition réductrice entre État et marché et à définir des configurations plus complexes mêlant acteurs privés et publics. C'est le cas de l'histoire des politiques publiques ou encore des services publics économiques, qui recomposent à la fois l'histoire du droit, de l'économie[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire contemporaine à l'université de Paris-VIII

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Média

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