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HISTOIRE (Domaines et champs) Histoire sociale

Retracer en quelques lignes l'évolution récente de l'histoire sociale n'est pas chose aisée compte tenu de la complexité d'un domaine dont la définition et les approches évoluent en permanence. Comment tenir compte à la fois de la production hexagonale et des innombrables travaux étrangers sur la société française ? Quels périmètre et cadre chronologique donner à l'histoire sociale quand les historiens de toutes les périodes s'intéressent aux sociétés humaines ou à leurs composantes ? Comment la caractériser ? Faut-il l'appréhender comme une branche autonome de la discipline historique, alors qu'elle ne cesse de s'hybrider avec d'autres histoires ? La réponse à ces questions ne saurait être univoque : elle dépend du positionnement scientifique de chaque historien et de sa manière, forcément subjective et lacunaire, d'appréhender les évolutions qui traversent sa discipline, toutes périodes confondues.

Au moins voudrait-on proposer une définition dynamique de l'histoire sociale : histoire des gens qui font société en tissant entre eux, au quotidien comme dans la durée, des liens de toutes natures. Une telle définition, fondée sur l'appréhension relationnelle des vécus et des destins collectifs, ne rend néanmoins pas compte de la diversité des échelles d'analyse, des méthodes et des objets. Or celle-ci est d'autant plus grande que l'histoire sociale est amenée à tenir compte des apports des sciences sociales, avec lesquelles elle entretient des relations de grande proximité.

Deux approches sont donc à concilier. La première, endogène, est particulière au genre historiographique ; elle ambitionne de cerner le cheminement de l'histoire sociale à l'intérieur de la discipline historique. La seconde se propose de montrer ce que l'histoire sociale doit aux sciences sociales, et réciproquement ; elle insiste bien davantage sur les interactions entre les disciplines qui s'intéressent aux mêmes objets.

L'évolution de l'histoire sociale dans la discipline historique

Une spécialisation accrue

En dépit de son caractère non exhaustif (2 000 revues françaises ou étrangères, et près de 400 ouvrages collectifs dépouillés, recensés chaque année, soit 10 400 références annuelles et entre 10 000 et 18 000 auteurs répertoriés depuis les années 1980) et de ses limites chronologiques (du ve siècle à 1958), la statistique de la Bibliographie annuelle de l'histoire de France fournit d'utiles indications quant au poids relatif de l'histoire sociale. Avec 11 p. 100 des notices en 2009, celle-ci se situe nettement derrière l'histoire politique (16,5 p. 100), non loin de celle des institutions (11 p. 100) ; elle fait jeu égal avec l'histoire religieuse et l'histoire économique dont le déclin est masqué, depuis le milieu des années 1980, par l'essor de l'histoire des entreprises. Sa progression depuis les années 1960 est cependant remarquable : de 7 p. 100 en 1960 à 11 p. 100 en 2009, en dépit d’une certaine stabilité depuis 2004, alors que l'histoire politique a reculé dans le même temps de 19 p. 100 à 16,5 p. 100. Cependant, quelques retouches ont été apportées au classement initial de la Bibliographie. Les interrogations sur la famille, les femmes ou les enfants, qui relevaient des désignations « démographie » ou « conditions juridiques des personnes et des biens », ont ainsi imposé leur propre rubrique en 1980. En revanche, le nombre de notices relevant des « attitudes devant la mort » ou de la « sexualité, prostitution et contraception » a peu progressé (la « sexualité » progresse toutefois avec les études sur l'homosexualité). On assiste, à l'inverse, à l'effondrement des rubriques « histoire ouvrière » et surtout « folklore ». La « démographie », qui déclinait depuis les années 1980, se[...]

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Écrit par

  • : docteur en histoire, habilité à diriger des recherches, chargé de mission au ministère de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement

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