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HISTOIRE (Domaines et champs) Histoire sociale

L'histoire sociale et les sciences sociales

L'apport des sciences sociales à l'histoire sociale

Aujourd'hui, les rapprochements et les échanges se font de plus en plus nombreux entre les sciences sociales et l'histoire sociale dont l'un des rameaux continue de « produire » marginalement, mais non sans renouvellements, des travaux sur le mouvement ouvrier. D'autant que les sciences sociales n'hésitent plus à se tourner vers le passé et à recourir de plus en plus fréquemment à la consultation d'archives. Pour peu que la période d'investigation soit récente et la démarche de type diachronique, la frontière entre l'histoire et les sciences sociales peut même s'estomper. Elle se raffermit dans le souci, propre à l'historien, de respecter la chronologie, de contextualiser et de construire son objet dans la durée. Or cette dernière exigence limite parfois le choix des espaces d'investigation. Si les historiens peinent à se faire entendre parmi les chercheurs en sciences sociales qui s'intéressent par exemple à la comparaison des États-providence, c'est parce qu'ils ne peuvent se permettre, à la différence des politologues, économistes ou sociologues, de multiplier les termes et les unités de comparaison dans le temps. Cette aporie est en général contournée par l'exploration des réseaux internationaux ou des logiques transnationales, susceptibles d'éclairer les convergences d'action entre les États, en dépit de leur cheminement spécifique.

Devenue curieuse des politiques publiques, l'histoire sociale profite du travail réalisé par des communautés scientifiques solidement structurées autour de la sociologie du travail, de l'ergonomie, de l'économie du travail, de la statistique appliquée au travail et à l'emploi, et de la démographie, qui travaillent depuis les années 1960 en osmose, voire en symbiose, avec les administrations chargées du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle. Ces communautés ont indirectement consolidé, grâce au traitement de bases de données ou de séries reconstituées, la connaissance historique des évolutions du travail, des conditions de travail, de la structure socioprofessionnelle de la population et de celle des revenus. Elles sont aujourd'hui pleinement reconnues : la sociologie du travail constitue, par exemple, un pôle à part entière de la sociologie dont la contribution à la réflexion générale sur le lien social s'est, au contact de la philosophie et de l'histoire, vigoureusement affirmée depuis la crise du modèle social dans les années 1980.

Tel n'est pas le cas des courants hybrides qui se déploient à l'articulation de plusieurs sciences sociales, en des domaines relevant au sens commun du social. Qu'il s'agisse de l'histoire du droit du travail, très en pointe depuis le milieu des années 1980, de la sociologie du droit du travail (Claude Didry, Francine Soubiran-Paillet), de l'économie des conventions (Robert Salais), de l'histoire de la statistique (Alain Desrosières), de la science politique appliquée à l'étude du social (Gilles Pollet, Joanna Simméant, ...), tous ces courants ont en commun d'entretenir avec l'histoire sociale des relations de grande proximité. C'est bien du reste à la jonction de la sociologie, de l'économie, de l'histoire, du droit, de la science politique et de l'anthropologie que des entreprises collectives très fructueuses ont pu se développer ou qu'une revue comme Genèses a pu s'épanouir. De nombreux travaux pluridisciplinaires, étayés par des études sur les élites et les politiques sociales à l'échelon local, ont ainsi permis d'approfondir la connaissance des réseaux d'acteurs municipaux, nationaux et internationaux (hygiénistes, politiques, administratifs, syndicaux et patronaux,[...]

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Écrit par

  • : docteur en histoire, habilité à diriger des recherches, chargé de mission au ministère de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement

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