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HISTOIRE DU GRAPHISME EN FRANCE (M. Wlassikoff)

Une « protodiscipline » : ainsi l'Américain Andrew Blauvelt désignait-il en 1994, dans un numéro spécial de la revue Visible Language, l'histoire du graphisme – et la modeste quantité d'ouvrages de fond parus sur le sujet depuis ne peut rendre cette appréciation obsolète. Une des principales références dans ce domaine demeure le livre que Philip Meggs publia en 1983, AHistory of Graphic Design (qui connut plusieurs rééditions mais n'a jamais été traduit en français), offrant pour la première fois un panorama étendu et une analyse de l'évolution des formes graphiques dans leur diversité.

Le champ auquel s'attache Michel Wlassikoff, avec son Histoire du graphisme en France (coédition Les Arts décoratifs-Dominique Carré éditeur, Paris, 2005), est nouveau à double titre : peu abondante, la littérature spécialisée se révèle de surcroît essentiellement anglo-saxonne et ne porte qu'une faible attention à la création française. La perspective « nationale » adoptée ici s'avère donc amplement justifiée : il s'agit de la première étape d'une reconnaissance pleine et entière, par la communauté internationale, de quelque cinq siècles de réalisations graphiques en France, dont seule une part très limitée reste répertoriée. Connaisseur de longue date – il a fondé et animé la revue Signes de 1990 à 1998, et a assuré le commissariat et le catalogue de plusieurs expositions –, Wlassikoff examine dans son ouvrage polices typographiques, mises en pages, affiches, identités visuelles, signalétiques, pour ne citer que quelques-unes des applications, en constante transformation, du travail des graphistes.

Quoique son propos commence avec la Renaissance, l'auteur se concentre essentiellement sur le xxe et le début du xxie siècle. Le premier des neuf chapitres qui composent l'ouvrage couvre quatre siècles, tandis que le suivant amorce, avec la période 1880-1925, le fin découpage chronologique qui régit l'ensemble, par tranches de une à quatre décennies. On comprend qu'il s'agit surtout de rattacher à ses sources la production hexagonale, dont la visibilité hors des frontières, à partir des années 1910, devient fort discrète, alors même que la typographie française – des recherches dans l'esprit humaniste de Geoffroy Tory, auteur en 1529 du manuel Champfleury. Art et science de la vraie proportion des lettres, à l'influence des Didot au xixe siècle – avait occupé auparavant une place prestigieuse dans le monde de l'imprimerie occidentale.

Wlassikoff s'adresse au public le plus large (le livre comprend un index mais son appareil de notes est réduit à l'extrême et sa bibliographie, constituée exclusivement d'ouvrages ou de revues, n'inclut aucun article). Il s'appuie sur une iconographie très abondante, souvent inédite, qui exploite notamment le fonds conservé par l'Union centrale des arts décoratifs (coéditeur de l'ouvrage). La répartition des photographies en deux registres distincts correspond à deux modes de lecture possible. Le premier quart de chaque chapitre s'ouvre en effet par un texte généreusement illustré dans ses marges, qui laisse ensuite place à des pages dévolues aux images et dont la consultation, facilitée par de brefs commentaires, peut se suffire à elle-même.

Attentif au contexte social et politique, Wlassikoff met en évidence les conditions dont lesquelles sont apparus les objets considérés : ainsi voit-on, au fil de l'ouvrage, se succéder divers types de commanditaires. Après les chantiers royaux ou impériaux, le commerce prend le pas, et ce sont des sociétés comme Nicolas ou les Galeries Lafayette qui confient leur communication visuelle à des graphistes et suscitent des créations qui marqueront leur époque.

Certaines figures se détachent, comme celle de Cassandre,[...]

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Écrit par

  • : docteure en histoire de l'art, enseignante d'histoire du graphisme à l'École régionale des Beaux-Arts de Rennes, chercheuse associée à l'École d'architecture de Marne-la-Vallée

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