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TEMPS PRÉSENT HISTOIRE DU

La mémoire, un nouveau territoire historien

De même, la confrontation entre un discours savant sur le passé et une parole vive sur ce même passé a entraîné les historiens du temps présent à s'interroger sur les phénomènes de « mémoire », une réalité qu'ils rencontrent dans leur pratique quotidienne et qui est devenue, pour certains, un domaine d'investigation en tant que tel : c'est le cas par exemple de l'histoire de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale, qui est devenue un territoire historien à part entière, dans la mesure où la mémoire du Génocide constitue depuis les années 1970 un problème politique, moral, judiciaire et culturel de première importance ; le phénomène s'observe également pour d'autres événements traumatiques, comme les guerres coloniales, l'analyse de la mémoire étant là encore une manière d'étudier la survivance active du passé dans le présent.

Les récits sur le passé tels qu'ils sont portés par des sujets qui peuvent se prévaloir d'une expérience individuelle et collective ne sont pas de même nature que le récit historien qui, lui, tente la mise à distance et cherche à ignorer une part des affects dont sont porteurs les acteurs. Mais ce dernier ne les ignore pas totalement parce que, précisément, l'historien du temps présent travaille sur un « passé qui n'est pas encore passé ». Il se situe, délibérément, dans une tension entre l'éloignement – un spécialiste de quarante ans qui travaille sur la période de Vichy n'a pas connu directement les événements, situation qui est celle de la plupart des historiens – et la proximité – cette période est suffisamment proche pour avoir laissé des traces vivantes et douloureuses dont il est obligé, dans son travail, de tenir compte. Il travaille ainsi à la frontière de ce qui pourra être considéré par le sens commun comme de l'« histoire », c'est-à-dire une période révolue, et un présent auquel il tente de donner une profondeur rétrospective. Il est, de ce fait, placé en première ligne dans les débats publics sur la « mise en histoire » d'événements qui ont laissé des blessures indélébiles : guerres mondiales, génocides, systèmes totalitaires, déplacements massifs de population, autant de traits caractéristiques du xxe siècle.

Enfin, il faut garder à l'esprit que la renaissance de l'histoire contemporaine au sens strict du terme est un phénomène récent. À la fin des années 1970 encore, elle était tenue en suspicion, voire ignorée par les écoles historiographiques dominantes : à titre d'exemple, la mouvance des Annales s'est peu préoccupée de l'histoire du temps présent, sans doute parce que celle-ci avait remis à l'ordre du jour l'histoire de l'événement ou l'histoire politique, deux des bêtes noires de cette école, par ailleurs prestigieuse, et dont les acquis ont largement fécondé certains des travaux les plus novateurs en histoire contemporaine (histoire des représentations, histoire culturelle, histoire sociale du politique, etc.).

L'émergence d'une histoire contemporaine, la légitimité grandissante dont elle a bénéficié tant dans le domaine scientifique que dans l'espace public, s'explique par le contexte intellectuel et politique des années 1980 et 1990. La crise à la fois économique, sociale et culturelle dans laquelle ont été plongés la plupart des pays occidentaux a fait surgir une préoccupation pour la sauvegarde des traces du passé, pour la constitution d'une politique du patrimoine. Des lieux naguère symboles de l'exploitation ouvrière, comme les mines de charbon, sont devenus des lieux de mémoire grâce à une politique de restauration et de conservation architecturales. À une plus grande échelle encore, en incluant les nations sorties de systèmes autoritaires[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche au C.N.R.S., Institut d'histoire du temps présent

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