HISTOIRE GLOBALE
Histoire globale, histoire mondiale, histoire connectée, histoire translocale, histoire transculturelle, histoire internationale, histoire des transferts culturels, histoire des systèmes-mondes, histoire transnationale, histoire profonde... Mentionné ici dans sa forme française reconnue ou librement transposé de la terminologie anglophone d’origine, chacun de ces termes renvoie à un buisson historiographique dont « l’histoire globale » est à la fois le nom-valise et une composante parmi d’autres. On ne s’étonnera donc pas de les retrouver, selon les langues, les situations ou les moments, soit utilisés comme synonymes soit opposés terme à terme comme des façons distinctes de faire et d’écrire l’histoire.
Ajoutons que cette famille historiographique est présente dans des domaines, des pays, des langues multiples : les rythmes, les intensités, les positionnements n’y sont ni convergents ni synchrones. De fait, l’appétence pour cet ensemble d’histoires n’est pas simplement un choix intellectuel individuel : elle a sa géographie et sa géopolitique, structurées par la façon dont des institutions et des traditions nationales historiennes se positionnent vis-à-vis d’enjeux sociaux et politiques, et notamment vis-à-vis de la question nationale. L’histoire globale est parfois considérée comme un détournement d’énergie face aux besoins historiographiques de la construction ou de la reconstruction de l’État-nation (dans des pays africains ou dans ceux issus de la désintégration du bloc soviétique). Et si l’on trouve aujourd’hui un peu partout le souci de replacer les histoires nationales dans des tissus d’interactions, l’écriture d’une histoire globale peut être embrassée pour servir le récit d’un destin national de connexion et d’interface ou pour appuyer une démonstration de puissance et d’exception nationale.
Puisqu’il est difficile de répondre à la question « l’histoire globale, combien de divisions ? », ce sont les causes de cette difficulté qui vont ordonner le portrait de famille. D’abord en revenant sur les origines de ce buisson historiographique aux branches entremêlées. Puis en rendant visible ce que l’enchevêtrement dérobe : ce que partagent les différentes options dans leurs manières de concevoir, de rechercher et d’écrire l’histoire, mais également ce qui les définit en tant que porteuses de propositions historiographiques spécifiques.
Filiations
Entre le début des années 1980 et la fin des années 1990, avec des décalages temporels et sémantiques selon les régions du monde, la notion de « mondialisation » devient un de ces termes qui marquent une époque. Depuis plusieurs décennies, le mot et l’idée servaient occasionnellement à qualifier des processus d’interdépendance entre pays, notamment au regard des structures politiques, de l’activité économique ou des infrastructures de communication et télécommunications. Il est désormais employé comme outil analytique et comme slogan apte à décrire, disséquer, imaginer le présent et le devenir de l’humanité. La mondialisation devient alors un objet de débat public, un sujet de politiques gouvernementales et un domaine de savoir.
Anthropologues, sociologues, économistes, géographes, politistes proposent, à partir du tout début des années 1990, de décrire et d’accompagner ces changements en s’efforçant de mettre en place des enquêtes, méthodes et notions pour les cerner. Les historiens entrent en ordre dispersé dans cet espace de discussion, avec une ambition double : porter un regard critique sur la « nouveauté » des phénomènes et processus de la fin du xxe siècle et donner à leur discipline un rôle dans ce nouveau moment des sciences humaines et sociales. L’histoire économique est la première en mouvement, au sujet de la datation du début des formes d’interdépendances et d’interconnexions concernant la production[...]
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Écrit par
- Pierre-Yves SAUNIER : professeur à l'université Laval, Québec (Canada)
Classification
Média
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