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HISTOIRE (Histoire et historiens) Courants et écoles historiques

L'histoire est un champ d'étude très ancien, que certaines traditions historiographiques font remonter aux Grecs Hérodote ou Thucydide. Pourtant, si l'on veut parler de courants, d'écoles ou de traditions, en donnant à ces notions une certaine consistance historique et sociologique, une généalogie moins longue s'impose. Quels que soient les ancêtres qu'elle revendique, l'histoire peut se concevoir en courants concurrents, en écoles de pensée plus ou moins organisées ou encore en traditions intellectuelles instituées, depuis le xixe siècle, qui fut, a-t-on souvent répété, le siècle de l'histoire. C'est à ce moment-là qu'un peu partout, en Allemagne, en France, mais aussi au Royaume-Uni et aux États-Unis se forme, accompagnant l'affirmation d'un nouvel ordre social bourgeois et national, un mode de connaissance historique qui se « professionnalise » en même temps qu'il se « professorialise ».

L'histoire s'émancipe de la philosophie et de la théologie, s'affirme comme connaissance positive, autonome, comme une discipline à part entière dans un système universitaire qui se transforme en profondeur et un système scolaire qui se démocratise, non sans heurts ni difficultés. Si le xixe siècle est le siècle de l'histoire, c'est encore par l'élaboration d'un concept « unifié » d'histoire, lequel contamine à la fois connaissance et société.

L'histoire, d'un point de vue conceptuel, devient, selon l'expression de Reinhardt Koselleck (1923-2006), un « collectif singulier » qui rassemble l'ensemble des « histoires particulières » et englobe sous une même expression trois niveaux : les faits, le récit de ces faits et leur connaissance scientifique. L'histoire exprime également une complexité plus grande : la destinée humaine n'est plus référée à une transcendance divine, mais au cours propre de l'humanité ; une visée réaliste et une prétention spécifique à la vérité ; un temps propre, qui articule les trois dimensions temporelles du passé, du présent et du futur. Elle devient ainsi l'expression du progrès et de la modernité. Elle est conçue désormais comme un processus, un devenir, qui englobe le devenir des temps modernes. Le concept d'histoire s'affirme ainsi au xixe siècle comme un concept central et fondamental de la société. Sur le plan des connaissances, tout savoir se décline selon une histoire propre (histoire naturelle, histoire sacrée, histoire universelle). Sur le plan social, l'histoire accompagne l'affirmation des nouvelles élites bourgeoises (en Allemagne, elle prend la place du concept de révolution). Sur le plan politique, elle est un des instruments de légitimation des nationalismes. D'un point de vue plus général, l'histoire, comme concept, caractérise désormais le rapport des sociétés à leur passé. C'est pourquoi les querelles autour de l'histoire ne peuvent se réduire à des disputes d'écoles, de méthode, de théorie ou de politique scientifique. L'histoire comme connaissance s'inscrit ainsi dans ce que Reinhardt Koselleck puis François Hartog ont appelé des « régimes d'historicité », c'est-à-dire des manières d'articuler passé, présent et futur. C'est pourquoi nous évoquerons ici à la fois des moments qui ont structuré des courants historiographiques et des tournants qui ont marqué des ruptures ou des transformations dans l'ordre de la connaissance historique mais aussi dans le rapport de l'histoire à la société. Malgré des traditions nationales durablement et profondément marquées, ces courants manifestent des proximités, parfois des convergences qui témoignent de processus de civilisation partagés.

Fondations : historismes et méthodisme

La fracture révolutionnaire[...]

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