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HISTOIRE (Histoire et historiens) Courants et écoles historiques

Des perspectives nouvelles

Nouvelles crises de l'historisme

Au milieu des années 1970 s'effrite l'optimisme concernant l'expansion infinie du monde industriel, dopée par les sciences et les techniques. La foi dans le progrès, la croissance et la rationalité scientifique est remise en cause ; les valeurs que partageaient les courants historiographiques institués au lendemain de la guerre dans l'optimisme des Trente glorieuses sont ébranlées. Un peu partout, les consensus se délitent. Au lendemain de l'effondrement du bloc communiste, d'aucuns proclament hâtivement l'illusoire fin de l'histoire, d'autres diagnostiquent une crise de régime d'historicité des sociétés occidentales entièrement rivées au présent. La fin du xxe siècle est marquée par une nouvelle crise historiste dont les tensions entre histoire et mémoire, la remise en cause de la fonction sociale de l'historien et de la place de l'histoire dans un monde « postmoderne » en sont les signes les plus spectaculaires.

En historiographie, les grands modèles explicatifs (structuraliste, marxiste, libéral) s'effondrent. En France, Pierre Nora diagnostique dès les années 1970 la fin de l'histoire globale et l'éclatement de l'histoire, le retour de l'événement et l'irruption du présent. Au Royaume-Uni, en Allemagne ou aux États-Unis, les modèles dominants d'histoire sociale sont contestés. La remise en cause de l'historiographie scientifique se manifeste aussi par un éclatement des paradigmes, une dissémination des programmes et une prolifération des courants, dont les retours proclamés (du récit, de l'histoire événementielle, de l'histoire politique, etc.), les tournants annoncés (linguistique, critique, culturel, etc.), les manifestes multipliés compliquent un paysage historiographique devenu confus. Deux expressions ont cristallisé provisoirement les débats et les controverses : le tournant linguistique et le tournant critique. Le premier, presque toujours désigné dans sa formulation américaine (linguisticturn) est souvent confondu avec un certain radicalisme postmoderne plus spécifiquement américain alors qu'il a émergé dans un autre contexte, celui des controverses sur l'histoire sociale et l'analyse du chartisme en Angleterre. Le second est issu du modèle dominant de l'« école des Annales » et s'est organisé sur la remise en cause d'un modèle historiographique scellé dans les sciences sociales dans une perspective de recentrement disciplinaire qui avait été précisément le modèle d'histoire sociale de l'après-guerre.

De ces moments critiques, au-delà de leur dimension parfois violemment polémique, on retiendra trois inflexions majeures : les représentations, les échelles d'analyse, le genre autour desquelles se sont organisées les transformations et les innovations de la discipline qui surgiront de l'Angleterre, des États-Unis, d'Italie ou de l'Allemagne.

Les représentations

La réalité historique est toujours perçue et représentée au travers du langage. Cette expression minimale du tournant linguistique a été radicalisée de manière parfois extrême : la réalité demeure hors de toute prise, le langage seul peut l'exprimer et le langage seul constitue une ou même la réalité. Cette réduction au langage associée à une contestation virulente de la modernité, de la rationalité scientifique et du progrès, a dérivé dans un relativisme dangereux lorsqu'il est confronté au discours négationniste. Pourtant, le tournant linguistique ne peut être réduit aux simples outrances postmodernistes, car la référence au langage a été centrale dans le renouvellement de l'histoire intellectuelle aux États-Unis et en Angleterre, de la Begriffsgeschichte (histoire des concepts en Allemagne), mais aussi dans le renouveau de l'histoire[...]

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