- 1. Une actualité brûlante
- 2. Aux origines
- 3. Entre science et propagande
- 4. Une histoire nationale
- 5. L'histoire pour éduquer
- 6. Fabrication de mémoire, thaumaturgie identitaire
- 7. Au tribunal de l'histoire
- 8. Les formes nouvelles de la commande
- 9. Diffusion de la littérature historique et démultiplication des usages
- 10. Bibliographie
HISTOIRE (Histoire et historiens) Les usages sociaux de l'histoire
L'histoire pour éduquer
La construction du sentiment national détermine le rôle essentiel de l'histoire dans les programmes scolaires au fil du xixe siècle. Les manuels d'Ernest Lavisse illustrent ce rôle « d'instituteur national » de l'historien, souligné par Pierre Nora, qui produit les linéaments d'une conscience et d'une mémoire nationales : « Si l'écolier n'emporte pas avec lui le vivant souvenir de nos gloires nationales ; s'il ne sait pas que ses ancêtres ont combattu sur mille champs de bataille pour de nobles causes [...] s'il ne devient pas un citoyen pénétré de ses devoirs et un soldat qui aime son fusil, l'instituteur aura perdu son temps. Voilà ce qu'il faut que dise aux élèves-maîtres le professeur d'histoire à l'école normale comme conclusion de son enseignement » (Ernest Lavisse, L'Enseignement à l'école primaire, 1912). Cet usage de l'histoire justifie les guerres qui se déroulent autour du contenu des manuels et des programmes d'histoire : guerre des manuels catholiques contre les manuels laïcs au temps de la séparation des Églises et de l'État, ou polémique plus récente suscitée par l'article 4 de la loi du 23 février 2005 sur l'enseignement du « rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord ».
Aujourd'hui, l'hostilité de la plupart des historiens des régimes démocratiques à cette constitution historiographique d'un credo national entraîne la mise en évidence d'un autre objectif pour l'enseignement de l'histoire. Dans le système d'enseignement français qui lui consacre tant de place et s'alarme lorsque celle-ci est menacée, l'histoire devient la mère des vertus civiques, une véritable propédeutique à l'exercice de la démocratie grâce à la méthode historique.
Déjà en 1907, Charles Seignobos le pressent quand il affirme que l'apprentissage de l'esprit critique et l'intérêt pour l'histoire préparent les élèves à devenir des citoyens actifs, convaincus de la capacité des hommes à agir sur le destin de la cité.
De l'éducation morale à l'éducation civique en passant par la formation du sentiment national, l'histoire apparaît comme un moyen évident de conformation des esprits par ses représentations et par sa méthode. Cet usage explique que Paul Valéry, dans Regards sur le monde actuel (1931), la décrive comme le produit le plus dangereux de l'alchimie de l'intellect.
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Écrit par
- Olivier LÉVY-DUMOULIN : professeur des Universités en histoire contemporaine, Institut d'études politiques, université de Lille-II
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