- 1. Les sources de l'histoire dans l'Antiquité
- 2. Moyen Âge : l'autorité de l'Église face à la critique des sources
- 3. La naissance d'une critique érudite (XVIe-XVIIIe siècles)
- 4. Sources et méthodes du « siècle de l'histoire » : le XIXe siècle
- 5. La « grande transformation » des sources et des méthodes : le XXe siècle
- 6. Bibliographie
HISTOIRE (Histoire et historiens) Sources et méthodes de l'histoire
Pour comprendre les pratiques des historiens, deux notions clés s'avèrent indispensables. La première, les sources, appartient en propre aux professionnels de l'histoire ; la seconde, la méthode, est la clé de toutes les démarches de l'esprit.
Si faire de l'histoire consiste avant tout à rechercher et à critiquer les traces du passé que l'historien constitue en documents, il existe un lien indissociable entre les sources et la méthode. Une part essentielle du métier d'historien consiste à mettre en œuvre la bonne méthode de recherche, de critique et d'interprétation des sources. Ce travail correspond aux deux premiers des trois temps de l'entreprise historienne établis par Paul Ricœur, à savoir la transformation des documents en témoignage, la tentative d'explication et de compréhension et, enfin, la représentation historienne par le jeu de l'écriture. De l'Antiquité à nos jours, il ne s'agit pas seulement d'un développement chronologique mais aussi d'un itinéraire qui conduit des sources uniques aux sources quantifiables et du primat du témoignage oculaire à celui des documents écrits avant un retour aux sources orales avec l'histoire du temps présent. Sources et méthodes ne témoignent pas seulement de la technicité du métier d'historien, elles retracent, au niveau de la pratique, l'évolution des objectifs et de l'épistémologie de « l'opération historiographique » (Michel de Certeau).
Les sources de l'histoire dans l'Antiquité
En remontant à Hérodote (484 env.-env. 425 av. J.-C.), aux origines de la tradition occidentale, on est saisi par la variété des sources envisagées par le « père de l'histoire ». Pour écrire ses Histoires, ou l'Enquête, Hérodote recourt d'abord au regard. L'autopsie est, étymologiquement, ce qu'il a vu lui-même, son propre témoignage oculaire. Le regard prévaut sur tout, écrira Aristote et, lorsqu'il fait défaut, Hérodote fait appel à l'« akoè » (ouïe), ce qu'il recueille de la bouche de ses témoins. Ainsi, les sources d'information d'Hérodote rejoignent les interrogations contemporaines des historiens sur les sources orales et l'histoire du temps présent, territoires qui avaient été bannis tout au long des xixe et xxe siècles, avec la professionnalisation progressive de l'histoire.
Évidemment, aujourd'hui tout lecteur relève l'excès de confiance, voire la crédulité d'Hérodote vis-à-vis des récits qui entremêlent la vie des hommes et les interventions divines. Mais l'embryon d'une méthode critique apparaît dans ses travaux lorsqu'il compare les versions phéniciennes, perses et grecques sur les origines des guerres médiques.
Cependant, la dimension critique s'avère beaucoup plus élaborée parmi les auteurs qui marquent l'évolution historiographique ultérieure. Quand Thucydide (460 env.-env. 400 av. J.-C.) se lance dans le récit de La Guerre du Péloponnèse, il se remémore son émerveillement d'enfant à l'écoute d'Hérodote afin de mieux critiquer l'absence de méthode dans l'établissement de la vérité. « Mythologue » selon Thucydide, Hérodote est un propagateur de mensonges, de faits incontrôlables. Par opposition, Thucydide, qui ne croit qu'à ce qu'il a vu ou critiqué au plus près, se condamne à une histoire du présent. Toutefois, son rapport aux sources se distingue des travaux ultérieurs, dans la mesure où les célèbres discours qui émaillent son récit, tel celui de Périclès en l'honneur des Athéniens tombés au cours de la première année du conflit, en 430 avant J.-C., sont autant de sources apocryphes sorties de sa plume pour mieux atteindre la vérité. En revanche, en établissant une chronologie adaptée à l'ensemble des cités grecques, le contemporain[...]
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Écrit par
- Olivier LÉVY-DUMOULIN : professeur des Universités en histoire contemporaine, Institut d'études politiques, université de Lille-II
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Médias
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